5° C – Dimanche 5-6 février 2022 Les Carmes.
Frères et sœurs, les textes de ce dimanche mettent en relief un aspect très important de la grâce d’être chrétien. Autrement dit : dans le « package » d’un baptisé, il y a plein de cadeaux. Notamment celui qui est le point commun des trois lectures.
Dans l’évangile : Simon-Pierre répond à Jésus qui vient de lui demander de repartir en mer : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Pendant la nuit, il était à la pêche de sa propre initiative. Mais à présent, il est envoyé par Jésus. Et l’ayant fait, ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer.
Nous avons la même chose chez saint Paul : « Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »
Le mot « apôtre » veut précisément dire « envoyé ». « Disciple » veut dire « étudiant à l’écoute de Jésus » (on dirait aujourd’hui « follower », peut-être « fan » de Jésus !…) Mais « apôtre » veut dire « missionné par Jésus ».
Nous avons la même chose chez Isaïe : « J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »
Le chrétien sait qu’il avance sur la Parole de Jésus, qu’il est porté par Jésus, envoyé.
Qu’est-ce que cela change ? Voici un exemple. Au printemps 1975, un prêtre termine de longues études à Rome. Il sait que le Vietnam, son pays, est sur le point d’être envahi par les communistes et que les chrétiens vont y être violemment persécutés. Il rencontre le Père Général : Pedro Aruppe, et lui demande, en toute connaissance de cause, l’autorisation de se rendre à Saïgon. Le Général Jésuite écoute et refuse. Deux, trois jours passent et le jeune père est rappelé par Pedro Aruppe. – Je vous donne l’ordre de vous rendre dès que possible au Vietman. – Je n’ai pas accédé, cher Père, à votre désir de retourner chez vous. Je vous envoie dans la sainte obéissance, en mission. Quoiqu’il arrive, ne l’oubliez pas : vous êtes envoyé. Je ne vous ai pas donné une autorisation mais un ordre.
Le jeune prêtre débarque dans une ambiance de panique et sauve-qui-peut.
– Tu es fou, c’est une question d’heures. Nous essayons tous de partir et toi, tu es venu … ? – Je suis envoyé en mission ici, par la Compagnie de Jésus. Je suis prêtre d’un Dieu qui s’est fait solidaire avec nous coûte que coûte. Mon premier devoir est d’être avec ceux qui souffrent. Le jeune prêtre est discrètement nommé provincial avant d’être arrêté.
Il passe les trois premières années dans une prison de la ville. Pêle-mêle avec les profiteurs, les traîtres, les officiers vaincus, les souteneurs, les trafiquants, les voleurs, les anciens bourreaux … Chacun ne dispose que de la surface de ses pieds. Pour dormir, on s’accroupit sur ses talons, jusqu’à ce que les jambes n’en puissent plus. Alors on se relève laborieusement, et on cherche à respirer.
Il est un prêtre ordinaire envoyé sur ordre pour une mission extraordinaire dans un lieu perdu. Et quelle mission plus extraordinaire que celle de donner le pardon de Dieu ? Sa priorité est donc de confesser … – Je n’ai pu communier, mais j’ai confessé, bien que ce soit strictement interdit, pendant trois ans. Et il a beaucoup de pénitents. « C’est la confiance en mon Supérieur qui m’a sauvé. Je me disais : par le supérieur général, c’est Dieu lui-même qui m’a envoyé ici pour que j’y travaille à sa Gloire, davantage de Gloire ! Je suis dans l’obéissance, Dieu pourvoira. »
Ensuite, il est transféré dans les camps de travaux forcés, où les conditions sont plus douces ! Les prisonniers se font donner du riz par des femmes extérieures, sous le regard des gardes avec qui ils partagent. Selon la disposition des doigts sur les bols, ils savent que dans tel ou tel récipient, des petits sachets sont cachés sous le riz, contenant des boulettes de pain et du vin. Immense joie alors pour lui et les prisonniers dont la plupart sont baptisés. Pour qu’il puisse célébrer la messe dans le dortoir, les détenus lui ont laissé la banquette supérieure au raz de la tôle surchauffée. La température peut y devenir insupportable. Il n’y a pas la place de s’asseoir. L’avantage est que les gardiens en entrant à l’improviste ne peuvent distinguer ce qu’il fait. Il y fait ce pourquoi il a été ordonné : la Messe. Rendre présent le sacrifice de Jésus. En fin de soirées de ces longues années, couché sur le dos, il célébre en prenant son temps, sur sa poitrine dégoulinante de sueur. Son corps amaigri, harassé, mais consacré devient l’autel du sacrifice de l’amour fou. L’extraordinaire parole toute-puissante de Dieu ; des miettes de pain et des gouttes de vin ; un homme tout ordinaire mais … prêtre ; la foi de l’Eglise, et le Roi des Rois, l’infiniment tout-puissant Seigneur vient se donner vivant. Car Dieu n’a qu’une parole, inconditionnelle, d’absolue fidélité, qui produit ce qu’elle dit.
Quand, après treize ans de mission en prison, il arrive à l’aéroport de Rome, le Général de la Compagnie de Jésus lui-même l’attend. Le Père Peter Hans Kolvenbach avait certainement ce jour-là beaucoup d’obligations comme veiller aux intérêts généraux de sa congrégation … Mais il vint. Il le serra dans ses bras, tint à porter son petit balluchon en toile … – « J’ai cru comprendre que mon prédécesseur, ce cher Père Aruppe, vous avait envoyé en mission. Elle est finie. Et comme disent nos frères américains : bienvenue à la maison ».
De même, le chrétien marié qui vit dans cet esprit va de l’avant et sait que Jésus ne lui a pas promis forcément la tranquillité mais sa Présence réelle pour transformer même les difficultés en grâces. Et cela donne ce genre de témoignage : Un couple fêtait ses noces de platine : 70 ans de mariage ! Un journaliste s’approche du monsieur et lui demande si en 70 ans de mariage il n’a jamais pensé au divorce. Avec un petit sourire au coin des lèvres, il lui répond : « Le divorce, non, mais le meurtre oui, plusieurs fois. »
Le fait d’être envoyé par Jésus ressuscité nous donne des ailes, nous rend inventifs, persévérants et nous oblige à nous dépasser ! !
Dimanche 13 février – 6° C 2022.
Imaginons une petite parabole. J’ai fait connaissance dans le jardin de la cure avec une petite copine. Nous avons lié amitié. Dès que je peux aller la voir, je la rejoins. Elle-même ne peut pas se déplacer beaucoup. Elle habite sous un chou. C’est une magnifique petite chenille. Très gourmande. Elle a un appétit monstre mais elle est très gentille. Je la vois prendre de bonnes joues. Elle est de plus en plus enveloppée. Nous échangeons beaucoup. Un jour, je lui pose la question : Quel est ton rêve ? Elle me répond : « mon rêve c’est de devenir la plus grosse chenille du Puy. » Eh bien voyez-vous, elle m’a déçu, mais vraiment déçu ! et puis, un jour, je ne la vois plus. Je m’assois, un peu tristounet, sur le petit banc de pierre. Et puis voilà qu’un papillon vient se poser sur mon épaule et me dit : « je suis chenillette. »
Frères et sœurs, il nous faut partir de la deuxième lecture pour comprendre les exigences, la dureté même des paroles du Seigneur. Son rêve c’est de nous ressusciter. Et nos corps de ressuscités seront ce que le papillon est à la chenille. Nous serons toujours Pierre, Juliette, Paul, Virginie mais transfigurés par la Lumière qu’est Jésus. Alors, il y a des choses sur la terre qui favorisent ce cheminement vers la résurrection mais d’autres qui en barrent l’accès.
Ce qui retarde notre résurrection et la remet en cause, c’est : « mettre sa foi dans un mortel, s’appuyer sur un être de chair, détourner son cœur du Seigneur ». (Jérémie). Attention en effet, il y a beaucoup de personnes qui se proposent pour être nos conseillers, nos coachs. Attention de ne pas nous gourer de gourous !
Jésus dit carrément : Malheur à vous les riches, malheur à vous qui êtes repus, Malheur à vous qui riez, malheur à vous quand on dit trop du bien de vous. Jésus dénonce avec vigueur les quatre idoles qui desservent le règne de Dieu pour nous et qui remettent en question notre résurrection. On divinise ce qui n’est pas Dieu.
Riches : Je pense au témoignage d’un ami prêtre. Pour un camp de jeunes sous tente, il avait besoin d’un terrain plat. Il va trouver la propriétaire qu’il connaissait bien et lui propose de faner le pré, de lui rentrer le foin et de remettre tout en ordre après le passage des jeunes. Elle refuse catégoriquement. Alors, il conclut l’entretien en lui disant : « De toutes façons à la fin, comme les autres, vous n’aurez besoin que de 4m2 ». Attention aux richesses, elles risquent de nous occuper tellement que nous perdons de vue le but de notre passage sur la terre, accumuler le plus d’amour possible.
Repus : C’est la mise en question du plaisir. – « Y-a pas de mal à se faire du bien ! » – « Où cela commence et où cela s’arrête !? ».
Rire : ce que Jésus dénonce c’est le ricanement, le mépris des autres, la moquerie, l’humour graveleux. Le père Timothy Radcliffe raconte qu’un jour ceux qui l’avaient fait venir pour une conférence avaiy retenu pour lui une chambre à l’hôtel. Le soir tard, il allume la télévision. Il y avait le « one man show » d’un soi-disant humoriste qui faisait plier la salle de rire en se moquant des cathos. A la fin du sketch, il dit : « j’espère qu’il n’y a pas de catho dans la salle. Si c’est le cas, qu’ils lèvent le doigt. » La caméra se promène sur tout le public. Un jeune s’est mis debout et a tenu le doigt levé pendant longtemps. Ce jeune avait en lui assez de liberté intérieure. C’est un des prémices de la résurrection.
Et puis il y a aussi l’idole de la gloriole, des honneurs mondains : « Quand j’ai reçu cette médaille, vous ne pouvez pas savoir le plaisir que j’ai éprouvé ! » On ne court pas après les médailles. Vous qui en avez reçues, vous ne les aviez pas réclamées, et vous en avez rendu grâce à Dieu. » Quand on encense un défunt c’est sa vie de baptisé et son corps à ressusciter qu’on glorifie.
En revanche, ce qui nous rapproche du « papillon », c’est l’ouverture à la grâce de Dieu. Dans le Livre de Jérémie, c’est « mettre sa foi dans le Seigneur », c’est carrément « faire du Seigneur sa confiance ». Dans l’Evangile, c’est la pauvreté (il ne dit pas la misère ; c’est la simplicité de vie, la sobriété, le fait de laisser de l’espace, de ne pas être encombrés). Ce qui permet à Dieu de nous ressusciter, c’est que nous ayons faim (FAIM), que nous désirions avoir cette fin (FIN). C’est que nous pleurions (pleurer de ne pas assez aimer). Un autre signe que nous sommes en voie de résurrection, c’est qu’on dise du mal de nous parce que nous aimons Jésus, parce que nous en avons fait notre modèle, notre maître à penser.
En fait, Jésus vient nous entraîner à vivre de Dieu. Ce qui va lui faciliter la vie, pour nous diviniser, pour nous ressusciter, c’est que nous lui fassions entièrement confiance, que nous options pour la pauvreté, que nous cultivions notre désir du ciel, que nous soyons assez libres intérieurement pour nous faire témoigner de lui. Amen !
Dimanche 20 février 2022 « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)
Frères et sœurs, Nous devons prendre très au sérieux les paroles du Christ dans l’Evangile que nous venons d’entendre: « Aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous maudissent; pardonnez et vous serez pardonnés; prêtez sans espérer de retour; à celui qui te frappe sur une joue tends aussi l’autre joue. De la mesure dont vous vous servez pour les autres, on se servira aussi pour vous. » Il ne s’agit pas là de « conseils» mais d’instructions du Maître à la foule de ses disciples, pour ne pas dire ses ordres.
Nous devons comprendre que ces comportements ne sont pas ceux d’une élite de héros, mais les attitudes normales d’un chrétien, auxquelles il faut nous décider une bonne fois, et nous y entraîner dès maintenant. Tout cela nous est accessible, parce que nous sommes consacrés par notre Baptême, nourris du Corps et du Sang du Seigneur, animés par son Esprit. Il nous faut être très vigilants : il ne faudrait pas que nous vivions finalement comme les pécheurs qui vivent avec les pécheurs. Car la conception de l’homme répandue actuellement dans le monde, malgré l’humanisme prétendu, et celle que nous professons dans l’Eglise, sont diamétralement opposées. La mentalité actuelle est de plus en plus utilitariste: on regarde les hommes en évaluant ce qu’ils nous coûtent et ce qu’ils nous rapportent, et c’est ce qui définit la valeur de leur existence et leur droit à la vie; une simple chose parmi les autres choses. Dans nos lois toutes récentes, l’homme commençant n’est plus qu’un matériau de laboratoire pour la recherche. Au contraire, chrétiens, nous regardons les autres comme étant l’image de Dieu en ce monde et sa ressemblance; nous les voyons revêtus du sang de Jésus comme d’un manteau de dignité, même les pires. Défigurant l’image, pécheurs, ils ont encore droit à un immense respect, à cause du regard que Dieu lui-même porte sur eux. Nous l’avons entendu dans la première lecture: Saül devenu scélérat cherchait à tuer David. Or que fait celui-ci lorsque son ennemi est à sa merci? « Comment pourrais-je porter la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur et rester impuni? » Saül a reçu l’onction des rois, qui rend sa personne sacrée. Or il y a bien plus que Saül, dans la personne de ceux qui nous entourent: « Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme » affirme le Concile. Pour que ces attitudes chrétiennes nous deviennent évidentes, spontanées, pour ainsi dire réflexes, nous devons nous tenir toujours dans la vérité. Nous venons de rappeler la vérité sur l’homme, la vérité sur les chrétiens. C’est précisément ce qu’a fait Jésus lorsqu’on l’a frappé sur la joue au cours de sa Passion. Il n’a pas lâchement tendu l’autre joue: il a d’abord fait la vérité, en disant au soldat: « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? » Ensuite il pouvait laisser se déchaîner sur lui toute l’iniquité de l’univers, parce qu’il avait fait la vérité. Il doit en être de même pour nous. Nous devons en toute circonstance faire la vérité, qui manifestera à la fois l’iniquité de notre temps et en même temps l’immense miséricorde de Dieu qui l’engloutit, incarnée dans les chrétiens qui se rendent proches, et dans toute l’Eglise. Un autre passage de la Bible le dit magnifiquement. Un matin que le roi Salomon siége sur le vaste trône de David son père pour y rendre la justice, voici que deux femmes, deux prostituées qui vivent dans le même lupanar, se présentent tenant dans leurs bras, l’une un marmot bien vivant, l’autre le cadavre d’un nourrisson du même âge. Chacune prétend que celui qui vit est son fils, tandis que l’enfant mort est celui de sa voisine. De fait, l’une d’entre elles, ayant étouffé son bébé en dormant, a profité du sommeil de sa commère pour échanger leurs rejetons.
Du haut de ses 13 ans, perplexe, le jeune monarque, ordonne tout à trac qu’on tranche le litige en fendant le bébé par le milieu afin d’en donner une moitié à chacune des plaignantes (1R3, 25). Epouvantée de voir mourir le fruit de ses entrailles, la première supplie qu’on le remette à sa rivale, alors même que l’autre insiste, à cor et à cri, pour qu’on le partage. « Il ne sera ni à moi, ni à toi ! », hurle-t-elle (1R3, 26).
La sentence royale, aussi saugrenue que cruelle, lui ayant permis de mettre à jour les desseins du cœur de chacune, Salomon rend son verdict : « Donnez l’enfant vivant à la première, ne le tuez pas. C’est elle la mère » (1R3, 27). En effet, émue de pitié pour l’innocente victime, elle a préféré le droit « de l’enfant » au droit « à l’enfant » revendiqué par la marâtre.
Or, notre société, par les lois sociétales qu’elle instaure, dénie le droit de chaque nouveau-né à avoir un père et une mère. Par la « PMA sans père » que la loi de bioéthique veut instituer en France début 2020, par la GPA qui ne peut manquer d’advenir dans la foulée, certains enfants verront leur état civil bouleversé, étant réputés être nés de deux mères ou de deux pères ! Contre ce déni de la vérité associé à une rupture d’égalité, puisse la sagesse de Salomon inspirer en dernier ressort le législateur. Et nous donner le courage de la vérité.
8°C 27 février 2022 Le Valvert. Jésus nous sauve de la mort.
« Dieu nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 15, 54-58) – « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6, 39-45)
Frères et sœurs, saint Paul nous dit que « l’aiguillon de la mort c’est le péché ». Que veut dire cette expression ?
Qu’est-ce qu’un aiguillon et qu’est-ce que la mort ?
Un aiguillon, c’est un long bâton qui se termine par une pointe de fer. Les paysans s’en servaient pour piquer de loin leurs bœufs attelés par le joug, soit pour les faire avancer plus vite soit pour les faire changer de direction. La mort se sert du péché pour nous pousser dans le mauvais sens comme si elle était pressée de nous voir sans vie.
Il faut aussi penser que pour saint Paul, la mort n’est pas que la mort cérébrale, encéphalogramme plat. Cette mort biologique n’est qu’un symbole d’une mort plus grave, celle de l’âme. Nous courons le risque de nous perdre si nous laissons le péché nous gangrener.
Saint Paul ajoute : « ce qui donne force au péché, c’est la Loi. » Il oppose le salut par la Loi au salut par Jésus. Jusqu’à sa conversion spectaculaire, saint Paul espérait être sauvé par l’observation méticuleuse des 613 commandements de la Bible. Si vous vous en tenez à la loi, vous pouvez devenir impitoyables. C’est ce qui était arrivé à saint Paul qui pourchassait les chrétiens, qui avait vraiment la haine des chrétiens. Sans en arriver à cette extrémité, vous pouvez buter contre des écueils, des écueils sous-entendus par ces phrases : « C’est mon droit » « J’y ai droit » « Pas vu pas pris » Avec des slogans comme ceux-ci, même une loi divine peut être détournée. Jésus donne cet exemple : « Moïse a dit : Honore ton père et ta mère. […] Mais vous, vous dites : Supposons qu’un homme déclare à son père ou à sa mère : “Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont korbane, c’est-à-dire don réservé à Dieu”, alors vous ne l’autorisez plus à faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère. » Avec ces petits ou grands arrangements, nous nous faisons mourir !
Sauf que …, comme dit saint Paul, nous aurons la victoire par Jésus. « Prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue. »
Qu’est-ce que Jésus nous apporte ? Il nous éclaire sur notre psychologie. Et il nous offre sa présence, sa grâce. Rappelons-nous que pour nous sauver, il nous fait faire, il nous élève au-dessus de nous-mêmes.
« Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère alors que la poutre qui est dans le tien, tu ne la vois pas ?» La paille dans l’œil représente une petite faute, qui semble importante quand on la découvre chez le voisin. C’est le principe du doigt pointé. « Nous souffrons tous, comme dit le psaume 19 (verset 3) d’un ‘mal secret’. Pour découvrir ce ‘mal secret’ et pour nous en débarrasser, il y a une manière très simple. Quand nous disons : « Tu as vu l’autre comment il est ? C’est un égoïste. C’est un coléreux. C’est un menteur. Tu as vu comment il se comporte avec ses parents ? Tu as vu comment il parle à sa femme ?» Observez : quand on montre du doigt quelqu’un, il y a un doigt qui montre la personne et trois qui sont pointés dans notre direction. Quand je vois quelque chose chez un autre qui m’agace, c’est probablement parce que moi-même j’en souffre à la puissance trois.
Vis-à-vis des paroles en trop, nous savons bien qu’il faut mettre un frein à notre langue, mettre une garde à nos lèvres. Mais que faire quand encore une fois nous n’avons pas réussi à mettre notre langue au point mort ?
Vis-à-vis du mal commis, nous avons deux solutions : nous décourager (je suis nul, je n’y arriverai jamais, l’évangile ce n’est pas pour moi) ou nous justifier (que voulez-vous que j’y fasse ? D’autres font bien pire ! Et puis ce n’est pas si grave !). Jésus en propose une troisième : nous racheter, c’est à dire prendre sur lui nos péchés. Sa miséricorde est capable d’intégrer nos écarts, nos « sorties de pistes » volontaires ou non d’ailleurs, dans son Plan de Salut. Le Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine pour l’expliquer donne cet exemple personnel. Pendant quinze ans il n’a pas eu à entretenir de voiture car une paroissienne généreuse lui prêtait la sienne. Comme elle ne s’en servait que très rarement, elle l’avait mise à la disposition du prêtre. Mais un jour la voiture a rendu l’âme. Le Père Michel-Marie en a acheté une à lui. Mais quand il est allé souscrire l’assurance, l’agent d’assurance lui a dit qu’il était considéré comme jeune conducteur. Et on sait que la prime d’assurance de jeune conducteur est très chère. « Mais je conduis depuis quinze ans ! » « Qu’est ce qui nous le prouve ? » Savez-vous ce qui a prouvé à l’Assureur que le Père était un conducteur expérimenté ? Les infractions dont il a pu fournir les quittances. Ce sont les infractions qui lui ont permis de payer une assurance à prix normal. Quand elles sont reconnues et données, Jésus intègre nos infractions dans son Plan d’Amour pour nous et pour le monde.
Prenons cette parole de Jésus comme une promesse pleine d’espérance : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître. » Nous sommes en formation donc nous avons droit à l’erreur et à la miséricorde. Et nous avons le meilleur des Maîtres. L’amour vaincra ! Amen !