Dimanche de rentrée 6-7 septembre 2025 23° dim ord C

Frères et sœurs, une parole de Jésus peut nous choquer : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Nous choquer ou …nous convaincre.  En 2000 ans Jésus a prouvé qu’il n’est pas un gourou qui cherche à nous accaparer. Et que le préférer à tout n’a que des avantages.  Tout change quand on le met en priorité. Trois exemples :

Il y a quelques mois,  je rencontre François-Baptiste et Delphine. Je ne les ai pas revus depuis la célébration de leur mariage 10 ans auparavant. Je découvre leurs trois filles, beaux fruits du mariage. Après leur mariage ils sont partis en Corse où il est gendarme. On sait que le travail de gendarme en Corse s’exerce dans des conditions difficiles. Je lui demande comment ça va, un peu inquiet pour lui.. Il me répond aussitôt : « ça va super bien puisque je suis avec Delphine ». Beau sens des priorités ! Il faut dire qu’ils sont pratiquants réguliers. Sans Jésus, un couple, ce sont facilement deux bulles d’ego qui se fracassent l‘une contre l’autre. Avec Jésus, il y a des grâces pour que les deux egos se marient bien.

Autre exemple : j’encourageais des fiancés à évangéliser leurs enfants, en leur disant que par exemple, quand la mort survient dans une famille, il est plus simple d’en parler si l’enfant connaît Jésus. Il suffit de lui dire : « Grand-mère est avec Jésus ». Comme il sait que Jésus est quelqu’un d’extrêmement bon, l’enfant sait tout de suite qu’elle est entre de bonnes mains. Ils rebondissent en me disant : « Ah oui, on ne veut pas faire l’erreur d’amis qui ont dit à leur petit que mamy est « partie ». Comme elle n’est jamais revenue, depuis, dès que son papa s’en va, le petit angoisse.

Un troisième exemple.  Le petit livre bouleversant sorti il y a quelques mois de Claire Dierckx, une jeune femme de trente ans, belge. Dans sa famille de juristes depuis des générations, on a souvent  cette maladie neurodégénérative, l’ataxie spino-cérébelleuse, de type 7, qui attaque la vue, l’équilibre, la parole et ronge peu à peu l’autonomie de sa victime. Son père a demandé l’euthanasie et elle raconte combien c’est d’une violence inouïe. Elle aussi a été révoltée quand elle a appris qu’elle était atteinte de cette maladie.  Mais Claire Dierckx retrouve un ami d’enfance longtemps délaissé : Dieu. Elle raconte comment et elle nous fait rire en exprimant la joie de vivre qui découle de la fréquentation du Seigneur au quotidien.

Aujourd’hui, il y a encore des jeunes qui demandent le mariage, des familles qui veulent le baptême pour leurs enfants, et même la communion. Mais souvent ce sont des cérémonies sans lendemain.  C’est comme si le passage à l’église était un enjoliveur. Mais pas le moteur.  

Or Jésus dit : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. » On peut être consommateur de religion une fois en passant. C’est déjà bien : cela veut dire qu’il y a encore une bienveillance vis à vis de l’Eglise. Mais on n’est pas disciple de Jésus. Et Jésus pose la question : « Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? »

Alors je vous annonce une initiative qui pourrait renouveler durablement notre paroisse. En mai, ce printemps, trois mardis de suite, avec 4 autres personnes je suis allé à Vienne, (pas en Autriche mais tout de même) dans le diocèse de Grenoble pour découvrir le Parcours « Venez et voyez ». « Venez et voyez », ce sont trois soirées de 20h à 22h, et un dimanche matin.  Une soirée sur Dieu le Père et l’amour tout particulier qu’il porte à chacun. Une soirée sur le Fils qui affronte la question du mal, le mal subi (la souffrance) et le mal commis (le péché). Une soirée sur le Seigneur Esprit-Saint, le plus extraordinaire  des Conseillers, des Consolateurs, des avocats, des Souffleurs. Au cours de ces soirées, il y a de la convivialité, de la bienveillance, des échanges, un enseignement, l’écoute d’un témoin, un temps de prière.

On dit à tout adulte qui vient demander un sacrement : « D’accord, mais vous faites d’abord le Parcours « Venez et Voyez » pour vérifier que notre offre correspond bien à votre demande. Ceci dans l’espérance que la personne qui vient demander une célébration commence par rencontrer Notre Seigneur Jésus-Christ. Que la personne qui fait appel à l’Eglise comme à une agence de pompes religieuses, découvre une famille où elle a sa place à prendre. Que la personne qui vient demander une belle cérémonie inoubliable un samedi après-midi ou un dimanche matin, découvre quelqu’un qui peut ensoleiller toute sa vie. 

Nous allons donc faire un Parcours Zéro à partir du mardi 6 octobre. Ce sera à la salle du Valvert. Une équipe va préparer, nous avons besoin de « cobayes » qui acceptent de tester la formule. Il y aura besoin de préparer la salle, de prévoir un accueil sympathique ; il y aura besoin d’animateurs de tablée,  de conférenciers, mais il y aura aussi besoin de personnes qui joueront le rôle des invités. A la sortie de cette messe, on va vous distribuer une petite feuille pour vous inscrire. Nous allons prier pour que se réalise la première lecture : « Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? » Que le Seigneur envoie le Seigneur Esprit-Saint et des personnes qu’il pourra remplir de sagesse.  Amen !

Lundi 8 septembre 2025 Nativité de la Vierge Marie

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains : « Frères,  nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Ceux que, d’avance, il connaissait, il les a aussi destinés d’avance à être configurés à l’image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d’une multitude de frères. Ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire. »

Avec la Vierge Marie née immaculée, conçue immaculée, une question se pose : puisqu’elle était programmée pour le bien, était-elle libre ?

Dans son œuvre majeure, le Traité de l’amour de Dieu (TAD), François de Sales développe, non sans humour, une sorte de parabole qui nous éclaire pour réfléchir à l’une des questions parmi les plus centrales de l’éthique chrétienne : quel est le rapport entre la liberté de la personne humaine et la grâce divine ? Les nombreuses et vives polémiques soulevées au cours des siècles lors de l’examen de cette question témoignent de son caractère décisif. Lui donner une réponse satisfaisante, c’est en effet avoir une juste compréhension de l’autonomie de l’homme devant Dieu. Prêtons donc attention aux détails de cette parabole proposée par François de Sales.
Chaque être humain, affirme ce dernier, est comparable à un ” apode “, c’est-à-dire à un oiseau possédant de très grandes ailes et de toutes petites pattes (La dénomination ” apode ” est empruntée à Aristote) ; pensons, par exemple à un albatros. Lorsqu’un tel oiseau se saisit des mouvements ascendants de l’air et se laisse porter par eux, il vole avec une telle agilité et une si grande majesté que cela semble ne lui demander aucun effort. En revanche, dès qu’il se pose sur le sol, il devient lourdaud, disgracieux, et bien incapable, sans le secours du vent, de prendre son envol. Il a beau agiter ses grandes ailes, il n’en résulte que de ridicules bonds en avant. Et plus il fait des efforts frénétiques pour se soulever, plus il est renvoyé à son impuissance.
Il en est de même pour chacun de nous, dit saint François de Sales. Quand nous nous tenons vraiment dans notre élément, nous sommes comme les apodes dans le vent : agiles, heureux, prenant appui sur les courants de vie pour déployer toutes les potentialités inscrites en nous. Or notre élément, notre écosystème pourrait-on dire , c’est l’amour (agapé) ; car Dieu, qui nous a créés à son image, est Amour (1 Jn 4,8). Au contraire, quand nous quittons notre élément, quand nous refusons de tendre les ailes au vent de l’amour de Dieu et d’autrui, c’est-à-dire quand nous développons des connivences avec les puissances du péché, alors, comme les apodes sur le sable mouvant, nous nous enlisons. En raison du péché du monde, nous sommes tous des apodes cloués au sol, insiste saint François de Sales. C’est pourquoi nous avons beau agiter vigoureusement nos ailes, si le vent de Dieu ne souffle pas, nous sommes condamnés à n’effectuer que d’infructueux ” essais d’amour ” ! En d’autres termes, la reconquête de notre autonomie dépend totalement de la bonté du Créateur. Conviction qui oblige l’homme à une totale remise de lui-même à l’Autre, et qui en outre n’est pas sans présenter un caractère angoissant, tant elle doit s’accompagner d’une profonde confiance. Croire ou s’enliser, tel est le dilemme ! Mais précisément, saint François de Sales, à la suite d’une épreuve terrifiante vécue dans sa jeunesse en raison d’un doute radical concernant la possibilité d’être sauvé, a acquis au moment où il rédige le Traité une conviction devenue inébranlable : Dieu, en son être même, est compassion et nous aime d’un amour infini. Aussi ne peut-il rester insensible devant notre malheur. Il lui faut envoyer le vent favorable à notre libération.
Toutefois, par bien des aspects, ce vent est désarçonnant. Il remplit certes nos coeurs, mais toujours ” à l’imprévu, avant que nous y ayons ni pensé, ni pu penser “. De plus, il se manifeste avec une ” douce violence “, ” pour nous saisir, nous émouvoir, relever nos pensées et nos affections “, et finalement nous remettre dans le courant de l’amour évangélique …
Avouons-le, cette tension de la passivité et de l’activité est parfois rude à assumer, tant nous sommes de ” drôles d’oiseaux ” ! Mais, quand on accepte de la vivre – saint François de Sales en est une preuve éclatante -, elle permet de voler parfois très haut, avec grâce, mais jamais sans la Grâce !

La Vierge Marie est en fait la plus libre des créatures. Comme elle aime Dieu, lui-même a tout fait contribuer à son bien, puisqu’elle est appelée selon le dessein de son amour. Il la connaissait, il l’a aussi destinée d’avance à être configurée à l’image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d’une multitude de frères. Celtel qu’il avait d’avance destinée, il l’a aussi appelée ; celle qu’il a appelée, il en a fait une juste, et celle qu’il a rendue juste, il lui a donné sa gloire.

14 septembre 2025 LA CROIX GLORIEUSE Le mal a été trouvé léger

Frères et sœurs, il était une fois un petit village du Moyen-Orient qui s’appelle Nazareth, dans lequel habitait une famille. Le papa s’appelle Joseph. La maman, Marie et le petit bout de chou, Jésus. Pourquoi petit bout de chou ? Parce qu’il est allé naître à Bethléem. A cause du méchant roi Hérode, ses parents ont dû le mettre en sécurité en Egypte quelques mois, peut-être 2 ans.

Et puis ils sont revenus à Nazareth. Joseph a repris l’atelier de menuiserie charpente et il a mis un peu d’argent de côté.

Un jour, il a dit à Marie : « Et si nous faisions construire une maison ? »

Cette idée a enthousiasmé la Vierge Marie, mais elle a dit : « Tant qu’à faire, faisons les choses bien. Allons voir un architecte. »

Ils lui ont présenté leur projet et l’architecte s’est mis au travail. Quelques jours après, il leur a présenté ce plan. Ça les a un peu surpris, mais pourquoi pas ? Ça prenait des allures modernes.

Mais Joseph n’était pas homme à s’emballer. Il a dit à l’architecte : « laissez-moi les plans, je veux étudier si cela nous convient. »

Et au bout d’un jour de calculs des volumes, des matériaux, des heures, il a dit non, ce serait trop cher pour nous.

Alors l’architecte, gentil, s’est remis au travail et il a proposé ce plan-là. Joseph a, de nouveau, calculé, recalculé, et il est revenu vers l’architecte en lui disant, non, c’est trop grand. Nous ne sommes que trois.

Alors l’architecte s’est remis à sa table de travail. Finalement, il a dit : « Je reprends ma première idée, mais en plus petit. » Joseph, après avoir calculé de nouveau, a dit : « C’est exactement ce qu’il nous fallait, mais je vais vous demander une faveur. À Nazareth, le climat est bon, mais certaines nuits sont fraîches. Et puis si Marie pouvait cuisiner grâce à une cheminée à l’intérieur, ça lui éviterait d’avoir à cuisiner dehors sur 3 pierres. Si vous pouviez nous faire une cheminée ? »

Oui, dit l’architecte, c’est très simple et ça va ajouter à l’esthétique. Et voilà la maison conçue par l’architecte. À ce moment-là, la Vierge Marie, et c’est très féminin ça, a dit : « Je fais confiance à Joseph et la maison me plaît bien, mais j’aimerais savoir comment vous avez agencé les pièces à l’intérieur ? »

L’architecte, toujours très agréable, a dit : « c’est très facile. » Il a pris sa paire de ciseaux, il a ouvert le plan et il a dit : « voilà, j’ai prévu, pour vous Marie, une grande pièce où vous pourrez mettre votre pétrin pour pétrir le pain, où vous pourrez mettre votre métier à tisser, tous vos ustensiles de cuisine. Ce sera votre domaine. A côté, une pièce de même grandeur qui sera votre pièce à vivre et votre pièce pour accueillir les voisins, les amis, la famille quand vous ferez une fête ? Et puis j’ai prévu pour vous, Joseph, une chambre et, pour vous Marie, une autre. »

Les 2 se sont regardés et ont regardé l’architecte en lui disant : « Vous avez oublié que nous sommes 3. Notre petit n’a que 5 ans. Il peut encore coucher dans la pièce à vivre ou bien dans une de nos chambres. Mais un jour, il aimera avoir son indépendance ».

L’architecte était un peu gêné d’avoir oublié, alors il a dit : « on pourrait peut-être regarder du côté de la cheminée si on pouvait aménager quelque chose pour lui ».

Il a donc ouvert. Et voilà où on a mis Jésus : sur la croix.

Quand il a quitté le ciel, il savait parfaitement ce qui l’attendait. C’était même voulu, c’était choisi, c’était décidé. Il avait pris 2000 ans pour l’annoncer par les prophètes. On n’avait pas su l’entendre parce qu’on attend toujours un Messie comme un Superman. Mais il était clairement écrit qu’il serait comme un agneau conduit à l’abattoir pour nous dire son amour.

Et voici maintenant une croix orthodoxe. Il n’y a pratiquement pas de différence avec la croix catholique. Il y a la barre verticale et la barre horizontale. Il y a l’écriteau qu’ils représentent plus souvent comme une 3e barre horizontale. Et puis il y a une barre oblique. Alors il y a plusieurs explications à cela. On dit, par exemple, que c’est simplement pour signifier le point d’appui des pieds de Jésus crucifié. Certains disent aussi que c’est une barre qui part de la droite. De la gauche de Jésus vers la droite pour signifier que le mauvais larron ne s’était pas décidé à choisir le ciel.

Il y a une autre explication. Aujourd’hui, à l’heure des balances électroniques, on a oublié qu’on avait, il n’y a pas si longtemps, chez les commerçants, des balances à plateaux. On mettait l’objet à peser ou l’animal à peser sur un plateau, et il descendait. Le fléau, la flèche, au milieu, obliquait du côté du plateau le plus lourd et on mettait alors des poids de l’autre côté pour, petit à petit, arriver à mesurer, calculer le poids de l’objet ou de l’animal en ajoutant différents poids de différentes grosseurs.

Ce qui signifie que l’amour de Dieu déployé sur la croix sera toujours, toujours plus lourd que tous les péchés du monde réunis et que les péchés de chacun. La miséricorde de Dieu est allée jusque-là. C’était aussi annoncé dans l’Ancien Testament. Dans le livre de Daniel, il est raconté : (Le roi Balthazar qui détient le prophète Daniel, voit apparaître un jour une main qui écrit des signes sur le mur du palais. Aucun de ses devins ne sait les interpréter. Daniel est appelé. Il lit : « Méné Méné Tequel Ou Parsin ». «  tu as été pesé et tu as été trouvé léger ». (Dn 5, 27) Le mal a été trouvé léger. L’amour de Jésus vaincra.

Que cela soit toujours, toujours notre espérance.

21 septembre 2025 25°C Argent attention danger Esprit inventif Aller-simple

Frères et sœurs, cette parabole de l’intendant malhonnête ne nous parait pas très morale. Jésus ne peut pas encourage les faux en écritures… ! Peut-être Jésus aurait-il raconté cette histoire. Deux amis, un auvergnat et un écossais – les stéréotypes, c’est bien pratique ! –  se retrouvent un dimanche à l’église. Au moment où la quête va commencer, l’écossais se tourne vers l’auvergnat et lui lance : « je te parie que je donnerai moins que toi ! Pari tenu ! lui répond l’autre. » Quand le quêteur se présente à eux, l’écossais fouille dans son porte-monnaie et en extrait une pièce d’un centime qu’il dépose religieusement dans la corbeille… puis se tourne, triomphant, vers son voisin. Mais l’auvergnat, sans se démonter, lance au quêteur : « C’est pour les deux ! »

Mais Jésus ne raconte pas une blagounette. L’intendant agit malhonnêtement. Il est un contre-exemple. Il a un mauvais rapport à l’argent.  C’est un risque qui nous guette tous. Jean Pliya propose un test pratique pour vérifier si l’argent ne domine pas mes pensées. Quelles sont mes réactions lorsqu’après avoir acheté un article, je découvre le même objet bien moins cher dans une autre boutique, ou lorsque je me fais rouler dans une affaire ou que je suis victime d’un vol ? Est-ce que je me plains, me lamente et rumine jour et nuit ma déception en exprimant des regrets ? Ou bien est-ce que je me tourne vers le Seigneur pour le louer pour ce qui vient de m’arriver et pour le commerçant qui a gagné ? A l’inverse, si après avoir fait mon achat, je constate que le même article coûte ailleurs bien plus cher que je ne l’ai payé, est-ce que je ne jubile pas avec le sentiment d’une grande satisfaction et l’envie de raconter à tous mes amis ma bonne fortune ? ” Jean Pliya conclut : ” Comme l’Esprit Saint doit s’attrister de voir nos pensées assujetties à l’argent “. Cette tristesse qui frise parfois l’accablement a oublié le conseil de l’Ecriture : ” Ne te fatigue pas à acquérir la richesse. Cesse d’y appliquer ton intelligence “. (Pr. 23,4)

Franz-Olivier Giesbert écrivait dans une chronique dans Panorama : « J’aime les éructations contre l’argent du Livre de Sirac. Par exemple : ” L’or est un sujet de chute à tous ceux qui lui sacrifient ; malheur à ceux qui le recherchent avec ardeur ; il fera périr tous les insensés. ” Quand je vois tous ces mufles accumuler des richesses avec une fébrilité enfantine et jamais rassasiée; je me dis que l’homme ne descend pas du singe mais… de la fourmi. Une fourmi dégénérée puisque, contrairement à elle, il ne pense qu’à lui-même et à son magot. Jamais à la collectivité….»

L’intendant est malhonnête, donc il est un contre-exemple. Mais en quoi est-il imitable tout de même ? Sur deux points. D’abord, il est habile. Les hommes sont bougrement astucieux pour gagner de l’argent, réaliser de bonnes affaires, alimenter caisses noires et compte en Suisse, fabriquer de fausses factures, créer des sociétés de façade afin de détourner ou de blanchir des revenus douteux, inventer mille astuces pour échapper aux mailles du fisc… Que d’imagination au service de cet argent souvent malhonnête ! Jésus nous invite à être aussi astucieux, aussi imaginatif pour les affaires de son Royaume.

Deux exemples. Dans les concertations du parlement avec les représentants des religions, un évêque est interpelé par un député qui lui dit : « De toute façon, la GPA est dans la Bible ».  – « ah bon, réagit l’évêque, faisant semblant d’être étonné ». « Oui, répond le député, Abraham s’est fait faire un fils à Agar ». Et l’évêque rebondit aussitôt : « Oui, mais Agar était une esclave ». Le député n’a pas su quoi dire. Car l’argument en faveur de la GPA d’Abraham et Agar pour concevoir Ismaël ne tient pas, sauf à reconnaître que les femmes que l’on paie pour concevoir un enfant à des tiers sont des esclaves.

Deuxième exemple : Anne-Dauphine Julliand dans son livre Consolation. Elle et son mari ont perdu trois de leurs quatre enfants. La première s’appelle Azylis. Elle est morte à l’âge de cinq ans d’une maladie dégénérative. « Une nuit inoubliable, à l’hôpital. Arrivée en urgence avec Azylis. Son cœur qui décrochait, sa respiration qui flanchait. Avant que tout ne rentre dans l’ordre, mystérieusement. Les médecins l’ont gardée sous surveillance. Elle s’est endormie paisiblement, privilège de l’enfance. Moi je me suis enfoncée dans les ténèbres. Sans lumière, sans espoir. A l’heure la plus sombre, alors que même les ombres avaient fui, une infirmière s’est approchée de moi, recroquevillée sur mon lit. Elle s’est assise sans bruit, juste à côté. Avant de dire cette phrase qui m’a sauvée la vie : « Je suis là. » Pas un mot de plus. Et pourtant bien plus que des mots. Une présence, affirmée, assumée, qui a chassé, ce soir-là, la peur et la solitude. Il ne restait que la peine à vivre. L’infirmière m’a tenu compagnie dans ma souffrance. Elle ne l’a pas portée à ma place. Elle savait qu’elle ne le pouvait pas. …Puis elle est repartie, aussi discrètement qu’elle était arrivée. Léger bruissement, battements d’ailes d’un ange… »

L’intendant est habile. Il a aussi du discernement. Dès qu’il sait qu’il sera mis à la porte il mise sur la valeur reconnaissance. Il fait des faveurs aux clients de son maître dans l’espoir que ceux-ci sachent s’en souvenir mais sans pouvoir rien exiger. Espérer la reconnaissance, ce n’est pas exiger la réciprocité. Une personne disait : « Oh je ne vais pas à son enterrement, parce que de toute façon, il ne viendra pas au mien ! » A nous aussi de faire le pari de ce que nous pourrions appeler des allers-simples. Amen ! 

26° dimanche ordinaire C. Les Carmes 28 septembre 2025

Frères et sœurs, petite blagounette : on raconte qu’un arbitre de football au niveau national se retrouve à la porte du Ciel. On sait que le saint à qui Jésus a confié les clefs du Royaume, c’est saint Pierre ; c’est lui le Portier du Ciel. Cet arbitre est encore en short et maillot noir, chaussettes longues et chaussures à crampons. Mais il est maculé de sang, plein d’ecchymoses ! Bref, il vient d’être lynché par les supporters et les joueurs de l’équipe de l’OM alors qu’il arbitrait un match au sommet entre l’AS Saint-Etienne et l’Olympique de Marseille.- « Que s’est-il passé ? » lui demande le Portier du Ciel. » –« C’était presque la fin du match. Il y avait égalité. J’ai sifflé un penalty pour Saint-Etienne. Le joueur désigné a marqué. J’ai sifflé la fin du match. » – « Ce penalty était-il justifié ? » – « Oui et non. Mais vous savez : ma femme est de Saint-Etienne. Mon cœur penche pour l’ASSE. » – « Vous n’avez donc pas été très objectif. Vous n’avez pas été impartial. Ce n’était pas juste. » – « Oui, je dois le reconnaître. » Le Portier réfléchit. L’arbitre se demande bien s’il va lui ouvrir les portes du Ciel mais il ne peut rien faire. Il le voit enfin sortir la clef et la tourner dans la serrure. –« Allez-y, entrez. » – « Oh, merci saint Pierre ! » Et le Portier lui dit : – « Ah non je ne suis pas saint Pierre ; je suis son remplaçant aujourd’hui. Moi je suis saint Etienne. »

Frères et sœurs, est-ce que la miséricorde de Dieu serait au fond comme un passe-droit, comme une petite faveur, une indulgence ?

Ce n’est pas ce que nous dit cette parabole. Quelqu’un m’a dit récemment ce joli jeu de mots :  « Dieu n’est pas à vendre. C’est pour cela qu’on le loue ! ». Le Ciel sera un Cadeau absolument gratuit de la part du Seigneur. Mais pour aller au Ciel, il faut le vouloir ; il faut s’y préparer. Cette parabole ne nous parle pas tant du Ciel que de notre vie présente. La richesse n’est pas un inconvénient. Avoir de l’argent et des biens peut permettre d’inventer, de créer, d’unir, de relier, d’aider. Mais la richesse est un danger. Elle risque de faire perdre sa vraie identité : le nom du riche de la parabole n’est pas connu au contraire de celui du pauvre Lazare. La richesse risque d’isoler. Il faut longtemps avant que l’on sache que ce riche a des frères. Quand enfin il s’ouvre à son prochain, ce sont aux liens de sang qu’il pense d’abord. Et encore ne pense-t-il qu’à ses frères. Peut-être a-t-il des sœurs mais qu’elles comptent pour du beurre ?!… Quand il pense à Abraham, c’est uniquement pour se servir de lui. Il lui demande d’ordonner à Lazare de venir le rafraîchir.

Un des messages de cette parabole c’est que les biens terrestres risquent de nous emprisonner. L’enfermement est le grand risque qui nous guette alors que le mot lui-même est un avertissement. Il fait résonner et l’enfer et le mensonge. « L’enfer me ment ».

Quelle est la solution ? Elle est dans la conclusion. Il faut envisager la vie sur terre non pas close sur elle-même, limitée à l’horizon terrestre mais dans la perspective de la résurrection. Un jour Dieu me ressuscitera en vrai. Mais cette Œuvre de résurrection est commencée depuis mon baptême.

La miséricorde c’est d’abord une grâce pour aujourd’hui ; c’est la capacité  de devenir miséricordieux.

Pour faire un jeu de mot avec la blagounette du début, rappelons nous que Dieu nous aime tant qu’Il garde un atout en main au cas où nous ferions un mauvais usage de notre libre arbitre. Un atout est une carte qui l’emporte sur n’importe quelle autre. Dieu a pris un risque en donnant à l’homme le libre arbitre. Cela signifie que l’homme peut s’en servir pour faire de mauvais choix qui ruineraient sa vie. C’est vrai, et pour la plupart d’entre nous, nous faisons volontairement chaque jour des choses mauvaises tout en sachant qu’elles le sont. Oui, mais Dieu garde des atouts. 

Quelle que soit la carte que notre libre arbitre va poser, Dieu garde toujours la carte Miséricorde qui peut remporter le pli. Après une faute, nous posons la carte de la peur, ou la carte de la culpabilité, ou la carte de l’endurcissement. Mais Le Seigneur présente l’atout Miséricorde.

Il y a quatre atouts majeurs de la Miséricorde. Le premier, le plus puissant, c’est le Christ crucifié et ressuscité. Dieu, par l’offrande de l’Eucharistie, abat cette carte des millions de fois par jour dans ce monde où l’on fait un si mauvais usage de la liberté. Le second, c’est la Vierge Marie, mère de Miséricorde. Sa vie et ses prières pour ses enfants l’emportent sur plus d’un désastre. Le troisième, c’est l’influence de la vie et de la prière des saints. Il faut les connaître et les sortir comme des atouts. Le quatrième, c’est le purgatoire, l’état de purification passive grâce à l’intercession de l’Eglise sur la terre. Un prêtre prenait cette comparaison pour approcher le mystère du purgatoire. Il raconte qu’un jour il avait rendez -vous avec un ami pour aller voir un match de tennis à Roland Garos. Cet ami n’arrivant pas, il est quand même entré dans l’enceinte du stade. Il ne voyait pas le match mais il entendait les clameurs du public. Au purgatoire, nous serons assurés d’entrer un jour dans le match mais ce sera le temps de la purification, de l’espérance laborieuse, grâce à la prière continue de l’Eglise pour les défunts partis mais pas encore arrivés. 

Nous comprenons alors que la vie nous est justement donnée pour que nous nous exercions à prendre le risque de nous donner, et en cas de sortie de piste, de rebondir grâce aux atouts miséricorde.  Amen !