Dimanche 7 mai- 5° Pâques année A (2023)

Frères et sœurs, que veut nous dire Jésus quand il dit « Je suis la vérité » ? Est-ce que cela signifie qu’il sait tout sur tout ? Jésus serait le meilleur poète, le meilleur océanographe, le meilleur marin, le meilleur paléontologue, le meilleur historien, le meilleur mathématicien…  ?  Quand on demande à Lambert Wilson, l’acteur qui a joué l’abbé Pierre, Frère Christian de Chergé, Charles de Gaulle qui est Jésus pour lui, il répond : « Un penseur, le plus important de tous les temps, aucun texte d’un auteur ou d’un philosophe ne m’a spirituellement nourri autant que ses paroles si puissantes et révolutionnaires. » Léon Zitrone (présentateur du JT de 20h00 pendant des décennies) disait de Jésus qu’il était le plus grand orateur de tous les temps.  Sophie Soria dit son admiration pour ses qualités de coach.

En quel sens Jésus est-il la vérité ?

Qu’est-ce que la vérité ?

            Nous pouvons connaître l’homme de plusieurs manières.

            Il y a une vérité scientifique sur l’homme. Mais elle est partielle, jamais définitive, en constante évolution. C’est une vérité très séduisante car elle donne un pouvoir à l’homme et l’homme aime le pouvoir au point de le préférer à la vérité.  Or la science fait le tour de l’homme mais n’y pénètre pas. 

            Il y a la vérité affective. Je connais une personne à travers l’amour que je lui porte. J’attends sa bonté qui est comme un absolu pour moi. La vérité affective vient de l’intérieur. Elle est à rechercher mais souvent elle fait confondre vérité et sincérité ; or, ce n’est pas la même chose. On peut être très sincère et être dans le faux.

            Il y a aussi une vérité artistique de l’homme. La sculpture, la peinture, la musique, le théâtre, le cinéma peuvent dire des choses très vraies.

            Ce qui fait problème, c’est surtout la vérité morale. Or la morale répond à l’exigence du bonheur. La vérité, dans ce cas-là, c’est la conformité entre un choix précis et une intention profonde qui va m’épanouir.

Les savants parlent aussi d’une connaissance métaphysique de l’homme. La vérité métaphysique c’est la conformité de l’intelligence à ce qui est. On découvre que chaque homme est une personne qui a premièrement une autonomie et deuxièmement une finalité propre. L’être humain est fait pour l’absolu. Il ne peut trouver sa joie que dans une union à l’absolu. Luc Ferry dit que « nous sommes des êtres d’artifice. Il fait la comparaison avec son chat auquel il suffit de dormir 10h par jour et d’avoir de l’eau et des croquettes, alors que l’homme est insatiable, toujours à la recherche de plus, de mieux, de meilleur,  de davantage. Dans cette recherche, il peut s’aliéner (aujourd’hui on parle beaucoup d’addictions). S’aliéner c’est dépendre de ce qui est moins que soi. Mais si je dépends de ma source, de l’Absolu, je me dilate, je m’enrichis. A ce niveau, La Vérité c’est une personne. Ce n’est ni une construction de l’esprit, ni une conception du monde, ni même une morale. La vérité n’est pas une idée. Elle est une personne concrète. Une personne qui n’est pas venue nous dire : « Je sais la vérité, je vous l’apporte »  mais «  Je suis la Vérité ».

Quand un jeune est ordonné prêtre, quand une fille ou un garçon fait sa profession religieuse, au cours de la cérémonie, il s’allonge par terre, à plat ventre. Beaucoup disent : « Moi je ne pourrais pas. » Ce n’est pourtant pas difficile au point de vue physique, c’est moins fatigant que le saut en hauteur ou en longueur… C’est un saut en profondeur. La difficulté est purement morale. S’agenouiller, se mettre à plat ventre… c’est solliciter le secours de Dieu, s’incliner devant lui, au lieu de courir après son ego. Il s’agit de s’agenouiller… parce que le problème du chrétien devant la Vérité n’est pas de la découvrir mais de lui ressembler.

La Vérité, c’était le souci lancinant de Jean Paul II. Ce souci est le soubassement de l’encyclique « La splendeur de la Vérité », mais il était comme « le liant » de toute sa vie et sa personnalité. A preuve l’anecdote suivante rapportée par André Frossard : « Je lui ai posé la question suivante l’autre jour : « Saint Père, si vous n’aviez qu’une seule parole de l’Évangile à nous transmettre, quelle serait cette parole ? » – Il n’a même pas eu le temps de réfléchir pour me répondre : « La vérité vous rendra libre » – Je pensais qu’il m’aurait dit : « Aimez-vous les uns les autres… – Non : « La vérité vous rendra libre… ».

Au chapitre 6 de la Lettre aux Ephésiens, Saint Paul nous décrit la panoplie du parfait chrétien : le casque du salut, le bouclier de la foi, le glaive de la Parole, les chaussures pour partir annoncer l’évangile. Savez-vous où est la Vérité ? C’est la ceinture. Au séminaire, un ami dessinateur avait démontré avec humour que tout réside dans la Vérité. Si on coupe la ceinture, le pantalon tombe. Le croyant voulant le retenir doit laisser tomber le bouclier et tout le reste. Rétablir la vérité, la défendre c’est l’un de nos grands défis.

Mes deux grands pères étaient nés avec le XXème siècle. Ils étaient agriculteurs sans tracteur. Avant de faner leurs prés, ils descendaient dans le midi en fauchaison. Ils partaient pendant plusieurs semaines avec pour seul bagage leur faulx. Ils n’oubliaient pas non plus de prendre une ceinture de laine autour des reins. Elle les protégeait des lumbagos. La Vérité est ce qui nous fait tenir debout.

Amen !

Dimanche 14 mai- 6° dimanche de Pâques. Les Carmes 18h30 Craponne 10h

Frères et sœurs, au séminaire, j’ai eu beaucoup de merveilleux compagnons dont un qui était auparavant capitaine dans l’armée de l’air. Nous plaisantions en disant que lorsqu’il serait prêtre, il inviterait à prier ensemble le Notre Père en disant : « Comme nous l’avons appris du Père et à son commandement, nous osons dire (la formule du missel est « selon son commandement »)

Commandement, cela fait très militaire.

Toutes les religions disent ce que l’homme doit faire. La religion chrétienne commence par dire ce que Dieu fait pour l’homme. Bien sûr, il y a des commandements, des recommandations, des prescriptions. Mais ce n’est pas le point de départ. Dieu a fait le pari que nous nous convertirions en entendant ce qu’il fait pour nous. Et même mieux que cela, en découvrant qui il est. Prenez le premier et le second commandement dont Jésus nous dit qu’ils n’en font qu’un : « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces, de tout ton esprit. Et ton prochain comme toi-même ». Avant d’être un commandement, cette parole est une révélation. Dieu nous révèle son intimité. Dieu vit ce commandement de l’amour en lui-même de toute éternité. Dans l’évangile selon saint Jean, Jésus nous dit : « C’est sans mesure que Dieu donne l’esprit : le Père aime le Fils et lui donne tout ce qu’il a ». Dieu est Trinité. Le Père aime le Fils de tout son cœur, de toute sa substance, de toute sa nature, de tout ce qu’il est. Et le Fils aime son prochain (Le Père) comme lui-même. C’est déjà le « Voyez comme ils s’aiment » des premiers chrétiens et de tous les chrétiens qui veulent diffuser l’évangile. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous ont sauvés d’abord en nous montrant à quel point ils s’aiment ; et cette révélation a atteint son sommet sur la croix !

Mais quand Jésus parle de commandement, dans l’évangile selon saint Jean, il dit que le commandement du Père est « vie éternelle ». Quand on lit de près, on se rend compte qu’il y a équivalence entre le « commandement » et le Saint-Esprit. C’est surprenant car pour nous, le Saint-Esprit, c’est la liberté : il est représenté par la colombe. La colombe c’est la paix, la pureté, le renouveau radical comme pour Noé juste après le déluge ; mais c’est aussi la liberté surtout quand elle est en plein vol. Jésus dit que le Seigneur Esprit-Saint est son paraclet, c’est à dire « celui-qui-se tient-tout-près, à-mes-côtés ». Donc suivant le cas, il est son avocat, son défenseur, son conseiller, son assistant, celui qui le console, celui qui lui souffle la bonne répartie. Et c’est de cette Personne dont il nous fait le cadeau à notre confirmation. Et si liberté et commandement allaient bien ensemble puisque les deux coïncident en une Personne !?  

D’abord, nous avons une mauvaise façon d’imaginer la liberté. Posez la question à un garçon sérieux qui est fou amoureux : « Est-ce que tu te sens libre ? ». Il vous répondra : « Oui, c’est sûr, je suis libre comme jamais je ne l’ai été. Jamais auparavant, je n’avais expérimenté cette sensation de liberté. » … Et pourtant ce garçon ne peut s’acheter le moindre tee-shirt sans demander à son amoureuse s’il lui plaît. Les autres copains lui disent : « Tu n’es pas libre ». Ils confondent le libre-arbitre qui est la capacité de tout faire et la liberté qui est la capacité de se donner. Ce garçon amoureux est libre parce qu’a été libérée en lui la capacité de se surpasser, de sortir de lui pour penser d’abord à l’autre. La liberté c’est « l’obéissance aux conséquences de nos choix ». Si je me marie, je ne peux plus être dans la séduction. Mais si j’obéis aux conséquences de mon choix, je dirai comme Tolstoï : « le mari qui n’a connu que son épouse en sait plus sur la femme que celui qui en aurait connu mille ». Dès qu’un garçon devient papa, il obéit aux conséquences de son choix : quand arrive à la maison un petit boutd’chou, fini pour lui d’ouvrir une porte à la volée : il peut y avoir un petit homme accroupi de l’autre côté. Il regarde moins souvent le ciel ; il lui faut sans cesse regarder à ses pieds pour ne pas marcher sur une main qui joue. Fini de fermer les tiroirs à coups de genou : les petites mains se glissent partout. Fini pour lui de dormir sur ses deux oreilles ; il sera inquiet du moindre soupir. Fini de poser sa tasse de café brûlant au bord des tables. Fini d’avoir pour sa collection de bibelots une affection jalouse. Fini de manger des carambars sans penser à certaines petites bouches qui, elles aussi, aiment les carambars. Sans parler des trésors d’ingéniosité qu’il va déployer pour être un vrai papa. C’est vrai aussi pour les enfants. J’interrogeais un ami, papa d’une famille nombreuse dont j’admirais le charisme d’éducateur. Il était à la fois très exigeant et très affectueux. Il a eu cette parole : « Un enfant à qui on impose des règles précises est plus heureux que celui qui n’a pas de règle »… ! J’ai trouvé confirmation plusieurs années plus tard dans une conférence d’une pédopsychiatre. Cette dame faisait remarquer que les petits bébés, quand on les dépose dans le landau, cherchent aussitôt les bords. Ils ont besoin d’être rassurés : leur espace est limité. Leur espace est sécurisé. Les institutrices qui se trouvaient dans la salle ont tout de suite confirmé qu’elles repéraient très vite les enfants qui n’ont pas de règles précises : ce sont des enfants angoissés. Les interdits sont très importants dans l’éducation. Le mot lui-même est très expressif. Il s’agit d’ inter – dire. C’est parce qu’il y a des « dires » très clairs qu’il peut y avoir des « inter », des « espaces » de construction personnelle. On sait aussi qu’un fleuve sans rive devient hélas un marécage inhospitalier. La liberté ce n’est pas de faire ce qu’on veut mais de vouloir ce que l’on fait. La liberté c’est l’Esprit Saint qui, en nous commandant ce que Dieu veut, nous donne les grâces d’accomplir ce que Dieu veut. Amen !

Ascension 2023 18 mai 2023 Saint-Antoine Guitard Valvert

Frères et sœurs, aujourd’hui, trois mots.

THEOPHILE. La traduction liturgique nous laisse entendre que c’est un prénom. Saint Luc écrit son évangile et les Actes des Apôtres pour un certain monsieur Théophile. Mais « Théophile » en grec cela veut dire aimé de Dieu ou aimant Dieu. Nous sommes tous aimés du Seigneur et notre présence ici signifie que nous aimons le Seigneur. C’est facile de croire que Dieu existe, mais croire que j’existe pour Dieu, c’est une autre paire de manche. Un des moyens de le réaliser, c’est de lire l’évangile selon saint Luc et les Actes des apôtres.

Deuxième mot : aujourd’hui c’est la fête de … l’ASCENSEUR. Un jour, en ouvrant la porte d’un ascenseur, un employé voit un enfant de sept ans, blotti par terre, son cartable sur le dos. – Mais que fais-tu là ? La réponse inattendue fuse aussitôt : – « Je ne fais pas le poids ». Il réalise alors que cet ascenseur est « étudié » pour qu’un utilisateur pesant moins de 25 kg ne puisse pas s’en servir. Après être monté avec l’enfant à son étage, les idées vont bon train dans sa tête car tout événement surprenant suscite réflexion : Quel adulte ferait le poids pour s’élever au plus haut du ciel ? Aucun être humain ne peut prétendre rejoindre Dieu si celui-ci ne vient pas le chercher, se mettre à ses côtés, pour le hisser jusqu’à lui. Jeune ou vieil écolier de la vie, redisons-nous : « je ne fais pas le poids ». Alors ne cherchons plus à nous élever par nos seules propres forces, mais, blottis comme un enfant, mettons notre confiance dans celui qui nous élèvera. Dans les ascenseurs, il y a toujours écrit : charge autorisée 400 kg. Interdit à plus de quatre personnes. Avec Jésus, il n’y a pas de limite. Tout le monde peut monter.

Le troisième mot : VIE. Dieu est Vie… Vie éminemment spirituelle. Il ne s’agit pas de se le représenter comme un « bloc » inerte, une excellence figée, mais comme l’activité infinie d’une conscience absolument lumineuse et parfaitement bonne. Il sait tout sur tout ce qui existe, ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui sera. Il est possession de toute vérité, de toute bonté. Il est Tout. Il le sait et il en est ravi. Il est tout ce qu’il y a à connaître et tout ce qui est bien. Il est Quelqu’un, le suprême Quelqu’un. Il est la Vérité subsistante, la Bonté infinie, d’une unité extraordinaire. On dit de Dieu qu’il est transcendant : C’est le fait que Dieu n’existe pas par un autre. Nous disons qu’il est saint, trois fois saint, saint à la puissance dix-millionnième : c’est pour dire sa séparation d’avec tout le créé. Dieu est séparé absolument de toutes les créatures qui se rapportent cependant toutes à Lui : à son être quant à leur existence, à son excellence quant à leur bonté.

Dans la vie de saint Augustin, évêque d’Afrique du Nord et l’un des plus grands penseurs du christianisme, il y a cette belle anecdote : Il se promène sur la plage. De loin, il aperçoit un enfant qui fait sans cesse le trajet entre la mer et un point fixe sur la plage, à dix mètres du bord de la mer. L’enfant puise de l’eau dans une coquille saint Jacques. Il va la vider dans un trou qu’il a aménagé dans le sable. Saint Augustin, en s’approchant, lui demande ce qu’il est en train de faire. Et l’enfant lui répond : « Tu vois, je veux mettre toute la mer dans le trou que j’ai creusé. » Saint Augustin sourit et lui fait remarquer qu’il n’y arrivera jamais. L’enfant lui dit alors : « Toi, Augustin, tu ne peux pas non plus mettre tous les secrets de Dieu dans ton intelligence. Dieu est tellement grand ! Bien plus grand que la terre, la mer et le ciel et même que l’intelligence des savants ! »

On raconte qu’un marchand de vaches voulait absolument acheter une vache très précise à un paysan. Celui-ci ne voulait pas la lui vendre mais le marchand était tellement insistant, tellement crampon, que le paysan lui dit : « C’est d’accord ; mais alors, pour le prix, je te propose ce marché : chez moi, il y a un escalier en bois qui monte au grenier. Il y a vingt-deux marches. Quand tu viendras chercher la vache, tu mettras un franc sur la première marche, puis tu doubleras : deux francs sur la deuxième, quatre francs sur la quatrième, huit francs sur la cinquième… etc… Le marchand fait un rapide calcul : à la huitième marche il est à 128 francs seulement. Trop content d’avoir enfin la vache, il accepte le marché. Mais une fois chez lui, en calculant mieux, il s’est aperçu qu’il lui faudrait mettre plus de quatre millions de francs sur la vingt-deuxième marche. Pour une vache il avait été bien imprudent… !

Conclusion : Méfiez-vous des mathématiques. Méfiez-vous aussi de Dieu quand il vous parle de centuple, de vie éternelle, et de résurrection. Dieu est plus magnanime que nous. Avec lui, on sera toujours surpris. Avec lui il faut toujours voir plus haut, plus grand, différent.  Voilà pourquoi, dans le Ciel, notre principale activité sera de louer Dieu – non pas une louange répétitive et infiniment ennuyeuse qui ferait de l’éternité une éternullité, mais un chant toujours nouveau, toujours plus émerveillé envers « Dieu toujours plus grand ». Amen !

Dimanche 21 mai- 7° Dimanche de Pâques A (Les Carmes 18h30 Chadrac 10h)

Frères et sœurs, Jésus nous invite à envisager vraiment la Vie éternelle.

C’est l’occasion de penser à notre avenir à long terme. Qu’est-ce qui nous fait dire que le Ciel existe ? Qu’est-ce qui confirme la promesse de Jésus ?

Des choses comme celles-ci : les paléontologues, quand ils découvrent un fossile de primate, déterminent qu’il s’agissait d’un homme au fait que cette personne a reçu une sépulture, signe que dès le départ, l’homme a su intuitivement qu’il y a un au-delà.

Tous savent, même les plus endurcis, que le mal devrait être puni, et que le bien devrait être, au moins à la fin, récompensé. Ce sens de la justice est si fort que c’est lui qui a guidé les premières croyances en l’au-delà. Les anciens le disaient : « Aquo se payara dïn l’autre Mounde » ! (« Tout cela se paiera dans l‘Au-delà ») ou encore : « Il ne l’emportera pas en paradis » !

Pensons aussi à la preuve dite « psychologique »  de l’existence de Dieu. On constate que les désirs de l’homme ont tous quelque chose qui peut leur correspondre dans la nature. Nous avons faim ; cela tombe bien : il y a de la nourriture à disposition. Nous ne pouvons pas vivre plus de deux jours sans boire. À la soif correspond l’eau. En surabondance là aussi ! Quand nous avons mal, nous désirons la guérison. Cela tombe bien : il y a des plantes et des eaux thermales pour nous soigner et bien d’autres choses encore.  Nous avons froid ; il y a de quoi se réchauffer.  Nous avons chaud ; il y a de quoi se rafraîchir. Pour vivre il nous faut aussi d’autres personnes. Tout notre être réclame la présence humaine. Et nous bénéficions de l’amitié, des compétences, de l’affection des autres.  Mais au désir d’un amour et d’un bonheur infini qui habite le cœur de l’homme rien ne correspondrait? Au désir d’une vraie liberté rien ne ferait écho dans l’univers?  Ce serait absurde car tout a un sens dans l’univers et il faut se triturer le cerveau pour trouver le monde absurde! Pour Blaise Pascal « Le gouffre infini du désir ne peut être rempli que par un objet infini et immuable c’est-à-dire que par Dieu même ».

Jésus ne nous a pas donné de description du Ciel qu’il avait pourtant vu auprès de son Père avant de descendre parmi nous. Est-ce que nous serons assis ? debout ? est-ce que nous danserons ? est-ce que nous mangerons ? est-ce que nous pourrons rencontrer vraiment saint Vincent de Paul ? saint François d’Assise, sainte Thérèse de l’enfant Jésus ?…  Pourquoi Jésus ne nous a-t-il pas donné une description ? parce que nous n’aurions rien compris. Ce serait comme décrire les couleurs à une personne née aveugle…

Jésus nous parle de vie éternelle, pas d’un temps. Il ne faut pas confondre éternité et perpétuité. Une légende du Moyen-Age raconte qu’un moine doutait de l’existence du Ciel parce qu‘il ne parvenait plus à croire qu’au paradis il pourrait être heureux pour l’éternité. Le pauvre moine en était venu à craindre qu’on finisse par s’y ennuyer, faute sans doute de pouvoir varier les plaisirs et les joies. Or, un jour qu’il s’était aventuré dans la forêt pour y cueillir des champignons, il a soudain l’oreille attirée par un chant d’oiseau tellement mélodieux que son cœur en est tout rempli de joie. Le bon moine, les mains sur les hanches et les yeux levés, s’attarde quelques minutes à écouter l’oiseau musicien. Puis, quand celui-ci s’est envolé, il regagne le monastère. Mais là, quelques surprises l’attendent : le jardin n’est plus à la même place, un nouveau corps de bâtiments prolonge l’ancien moutier, et les moines qui déambulent dans le cloître portent un habit différent du sien. Pis, quand il se nomme, priant qu’on lui ouvre, le frère portier, un inconnu, le regarde d’un air soupçonneux, affirmant qu’il n’existe aucun frère de ce nom dans le monastère. Devant le trouble et les protestations du pauvre moine, on fait appeler le Père abbé. Celui-ci, un érudit, reconnaît dans la bure du visiteur un habit porté autrefois par les moines de l’Ordre, et il se souvient avoir lu dans les archives du couvent que deux cents ans auparavant, un moine de ce nom, parti dans la forêt à la cueillette des champignons n’avait jamais reparu… Le saint moine comprit très bien ce qui lui était arrivé et en saisit toute la leçon : le monde de la Résurrection est en dehors de nos catégories d’espace et de temps. Il mourut dès le lendemain et partit pour le paradis, le cœur apaisé.

Didier Decoin est un de nos grands scénaristes français. Il a eu le prix Goncourt en 1977. Il ne cache pas sa foi catholique. On sait qu’il s’est converti en rencontrant une morte… une fille qui est morte à 26 ans en 1906 et qui s’appelle aujourd’hui sainte Elisabeth de la Trinité.  Dans son livre autobiographique « Il fait Dieu », où il raconte sa conversion, Didier Decoin a ce beau passage: « J’imagine mal Dieu auteur du miracle de la vie, confectionnant un Ciel ressemblant à une chambre pour enfants sages. Franchement, je n’imagine rien du tout. Une chose, une seule est certaine : ce doit être merveilleux! » C’est vrai que lorsqu’on voit la première création si belle si extraordinaire , on peut faire confiance au Seigneur pour ce que saint Paul appelle « la deuxième création », pour la surprise qu’il nous prépare pour le monde de la Résurrection ! Et on comprend alors le but de la vie sur terre :

« Compagnonner avec Jésus » Car le Ciel, c’est lui. L’Au-delà déjà là c’est Lui. L’éternité c’est Lui ! Il s’agit d’apprendre à aimer Jésus et apprendre à se laisser aimer par Jésus. Pour aimer il faut triompher de notre égoïsme. Pour se laisser aimer il faut triompher de notre orgueil. Que le Seigneur ne se laisse pas décourager par nos péchés. Que sa grâce nous fasse gagner notre C.A.P., notre Capacité d’Aimer en Plénitude. Amen !

Dimanche 28 mai-Pentecôte 2023 Les Carmes

Frères et soeurs, Si vous demandez à des enfants : le Saint-Esprit est-il un animal ? une force ? Une Personne ? Ils vont répondre à coup sûr, une force. Or, c’est une Personne. Vous connaissez le principe des portraits chinois. Avec des indications commençant par  « si j’étais »  il faut deviner une personne.

Si j’étais un pays je serais la France,
Si j’étais une profession je serais prêtre,
Si j’étais un prénom je serais Henri,
Si j’étais un nom de guerre je serais Pierre,
Si j’avais un ami, il serait très mal logé et sans papier, Je suis …l’abbé Pierre.

Si j’étais une couleur je serais le blanc, avec une lisière bleue.
Si j’étais un pays, je serais l’Inde ou l’Albanie.
Si j’étais un coeur, je serais grand comme la mer
Si j’étais une famille j’aurais eu 800 frères et 4000 sœurs en cinquante ans.
Si j’avais un voisin, il serait lépreux ou sidéen  Je suis …sainte Mère Térésa.

Si j’étais une couleur, je serais le blanc.
Si j’étais un pays, je serais l’Argentine.
Si j’étais une ville, je serais Rome.
Si j’étais un supporter, je serais sur les gradins d’un stade de foot.
Si j’étais une profession, je serais berger.
Si j’étais une famille, je serais le Père. Je suis le Pape François.

C’est ainsi que Jésus nous a laissé un portrait chinois du Saint-Esprit.
1. Si le Saint-Esprit était un animal, il serait une colombe. Il permet donc le renouveau dont la colombe était le signe au déluge. Il donne des idées de paix. Par sa blancheur, elle nous dit qu’il nous fera progresser dans la pureté. Quand elle est en plein vol, elle nous laisse entrevoir la liberté de l’Esprit-Saint : un garçon était encore enfant de choeur à l’âge de quinze ans. Le Père curé lui demande :  « Est-ce que les copains ne se moquent pas de toi ? » Et ce garçon a répondu :  « Mais il ne manquerait plus que ça, on est en république, tout de même ! » 

2. Si le Saint-Esprit était une partie du corps, il serait le doigt de Dieu qui indique la route. Des amis m’ont rapporté ce fait. Leur fils qui a douze ans était parti en Vendée chez le garçon qu’ils avaient reçu au printemps dans le cadre des échanges entre établissements. Le petit Etienne repère vite le grand crucifix dans la maison de son copain. Il lui demande en le désignant du doigt :  « Tu y crois ? »  et le garçon lui répond : « A fond ». C’est un signe que l’Esprit est à l’oeuvre en eux. Prions pour qu’ils se laissent garder dans la bonne route.

3. Si le Saint Esprit intervenait dans un sauvetage, il serait le souffle de Jésus qui réanime. A la confession, il est très courant de voir des personnes paralysées par leurs péchés, être remises debout par l’absolution : Une dame qui venait de confier un gros fardeau a fait ce lapsus en disant son acte de contrition : au lieu de dire  « Je prends la ferme résolution », elle a dit :  « Je prends la ferme résurrection »  !

 4. Si le Saint-Esprit était une force naturelle, il serait le vent. Il est invisible. On ne voit que ses effets sur les feuillages, le linge, les bateaux, les éoliennes. Mais il est actif. Il est insaisissable mais il pénètre partout. Et il est très fort. Quand Pierre Bérégovoy, premier ministre s’est suicidé, un jeune photographe a réalisé la photo qui a fait la une de tous les journaux. Le soir avec toute son agence il sablait le champagne pour fêter le scoop. Mais il a réfléchi : comment est-il possible de se réjouir alors que toute une famille est dans le malheur et que tout un pays est dans la peine ? Il est aujourd’hui moine à l’abbaye de Tamié.

5. Si le Saint-Esprit était une source d’énergie, il serait l’eau vive d’un torrent.
6. Si le Saint-Esprit pouvait se résumer en trois lettres, il serait le F.E.U. Il réchauffe, il éclaire, il unit, il soude. C’est Lui qui agit pour l’unité dans les familles, les foyers, les équipes. Sans le Saint-Esprit c’est très vite la tour de Babel. On ne se comprend pas, on se jalouse, on piétine les autres. Avec le Saint-Esprit on se pardonne, on sait tourner la page, on regarde vers l’avant.

7. Si le Saint-Esprit était une couleur mystérieuse, il serait l’OMBRE.

Il nous suit partout. Tu l’oublieras. Mais il ne t’oubliera jamais.

8. Si le Saint-Esprit était une profession. Il serait un avocat. Chrétien, tu crois des choses incroyables. Dieu est Trois et Un à la fois ! Dieu le Fils est né sur la terre ! De la Vierge Marie sans intervention d’un homme. Un crucifié c’est Dieu ! Dieu est tout entier dans un petit bout d’hostie. Notre avocat nous aide à entrer dans la cohérence lumineuse de tous ces articles de foi. Une famille est montée un jour en Seine Saint-Denis pour adopter leur septième enfant, une petite fille de 10 mois, porteuse du handicap de la trisomie 21. Aujourd’hui, cette petite Anna a 20 ans. Elle a pris son temps pour marcher pour parler, mais il faut voir la joie qu’elle rayonne ! Si elle était restée à la DDAS, elle aurait pu, au mieux, dire  « nounou »  à une puéricultrice. On comprend immédiatement la différence. Il faut voir combien elle aime ses parents et ses frères et sœurs !  Il en va de même de l’oeuvre principale de l’Esprit-Saint en nous. C’est une oeuvre d’adoption. Devant Dieu si grand, plus grand que toutes les galaxies, le créateur du génome et de l’atome, l’infiniment petit plus complexe que n’importe quel ordinateur, devant Dieu, nous aurions de quoi trembler. Au lieu de cela, dans notre prière chrétienne la plus courante, nous l’appelons Papa. Et nous le tutoyons. Pas comme un perroquet mais en vivant de ce que nous disons. Mon Père, c’est le Seigneur de l’Univers. Le Saint-Esprit me le prouve.

Le Saint-Esprit a pris place en nous à notre baptême. Sa présence a été confirmée à notre … confirmation. Mais il en est du Saint-Esprit comme du cacao le matin au petit déjeuner. Si vous ne remuez pas, le cacao reste au fond. Au contraire, si nous prions, si nous participons à la messe, si nous ouvrons l’évangile, si nous Lui demandons son aide, il envahira peu à peu tout notre être et toute notre vie, comme chez l’abbé Pierre, sainte Mère Térésa ou le Saint-Père. Amen !