5° dimanche ordinaire B, 4 février 2024 Ceyssac et Guitard
Frères et sœurs, Job exprime très bien nos sentiments lorsque nous sommes accablés par la maladie : « La vie … est une corvée… à peine couché, je me dis « quand pourrai-je me lever ? » Mes jours sont comme la navette du tisserand… ça file à toute allure et puis un jour, le fil casse. »
Et dans l’évangile, on nous dit que Jésus guérit. Un ami médecin dit volontiers qu’il soigne mais que seul Le Seigneur guérit. Un jour, je me trouvais dans une chambre de l’hôpital dont j’étais l’aumônier. Un docteur ouvre la porte. Je lui dis : « Vous avez priorité. » Il me répond : « Non, je repasserai ; votre médecine vaut bien la mienne ». Dieu guérit en donnant aux chercheurs du génie et au personnel soignant de la délicatesse. Parce que la guérison est due à une alchimie de compétences et de confiance.
Est-ce que Jésus guérit directement sans passer par les médecins encore aujourd’hui ? Nous le croyons. Chaque fois que le Saint-Père déclare un chrétien bienheureux ou saint, nous savons qu’il y a eu au moins un miracle. Il faut lire la belle histoire du petit Pietro Schilliro, 9 ans, qui a été guéri par l’intercession des parents de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Ce miracle a permis à Louis et Zélie Martin d’être béatifiés en octobre 2008.
Revenons sur la guérison de sœur Marie Simon Pierre qui a permis de savoir que Jean-Paul II est Bienheureux. Beaucoup de journaux ont donné la parole à des spécialistes qui se sont dit sceptiques. Voici quelques extraits de la réponse pleine d’humour du Docteur Patrick Theillier qui a été pendant 11 années en charge du bureau médical de Lourdes (France Catholique n° 3245 4 février 2011). «[…] La réponse la plus « touchante » est celle du médecin qui soutient naïvement : « Ce n’est pas possible de guérir du Parkinson, donc le miracle est impossible »… ! […] Mais le miracle, c’est justement l’impossible qui se réalise[…] Mais ce qui revient le plus souvent c’est de soutenir qu’on ne guérit jamais de cette maladie et donc que l’on s’était forcément trompé dans le diagnostic initial. Là ce n’est pas très confraternel ! […] Autre argument fallacieux : « ce n’était évidemment pas Parkinson puisqu’on en guérit pas, mais peut-être une forme clinique spontanément curable » Alors là, j’aimerais qu’on me présente d’autres formes cliniques de maladie de Parkinson spontanément curables… Malheureusement il n’y en a pas dans toute la littérature médicale ! Enfin, autre argument particulièrement de mauvaise foi : « Tout ça, c’est de la supercherie, de l’hystérie : ce qui n’a rien d’étonnant venant d’une femme, qui plus est d’une bonne sœur ». […] Pardon, cher esprit critique, avez-vous seulement pris la peine d’entendre et de lire le témoignage de la sœur ? Si tout le monde était aussi équilibré et paisible, la face du monde changerait ! Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Il y aurait encore beaucoup à dire sur un si beau miracle, si pur, si juste. Tous les critères nécessaires pour reconnaître un miracle sont ici parfaitement rassemblés. Jean-Paul II méritait un si beau miracle ! […] Les miracles ont pour sens ultime de nous remettre dans cette certitude que nous vivons désormais dans ce monde nouveau inauguré par la résurrection du Christ. »
Depuis le début du christianisme, les miracles de Jésus en faveur des malades ont poussé les chrétiens à secourir les personnes qui souffrent. Le Père Joseph-Marie Verlinde qui est un ami de séminaire et qui a fondé la famille Saint-Joseph propose des sessions de guérison intérieure qui permettent à des centaines et des centaines de personnes de faire l’expérience de l’amour miséricordieux du Seigneur. (Père Joseph-Marie Verlinde, L’expérience interdite, éd. Saint-Paul) Le Père Verlinde est docteur en science physiques. Il parle couramment cinq langues. Ce qui ne l’a pas empêché de se faire avoir au cours de ses études par un gourou qui l’a initié à la méditation transcendantale, et de passer plusieurs années dans des ashrams hindous où très peu d’occidentaux sont allés. Qu’est ce qui l’a fait revenir à la foi chrétienne ? C’est qu’un jour, alors que de très bonne heure, il traverse un village aux côtés du gourou, dans la pénombre, il heurte du pied ce qui lui semble un corps humain. Il se penche vers lui et s’apprête à demander de l’aide pour ce pauvre homme. Le gourou lui dit : « Viens laisse-le… » Et comme il hésite, le gourou ajoute : « C’est son karma ». C’est à dire : « C’est son destin. Il faut lui laisser vivre ce qu’il a à vivre. » Peu à peu, sa culture chrétienne se réveille. Il se rappelle la parabole du Bon samaritain. Le Seigneur veut que nous trouvions notre joie à mettre toutes les ressources de notre intelligence et de notre cœur au service de celle ou celui qui souffre.
Un patient qui avait fait une tentative de suicide disait à son médecin : « Docteur, vous m’avez empêché de mourir, mais vous ne m’avez pas aidé à vivre ! » Un petit Martin est avec sa maman et joue dans le jardin devant la mairie. En courant de ci-de là, il aperçoit un vieux monsieur, assis seul, sur un banc, tout triste. Martin ne sait pas qu’il vient de perdre sa femme. Mais il a vu la tristesse et les larmes discrètes du vieux monsieur. Alors, il va vers lui, et, sans rien dire, il s’assied à côté de lui. Sa maman l’appelle et lui dit : « Tu vois bien que le monsieur a beaucoup de peine. Il ne faut pas le déranger. » – « Maman, je ne le dérange pas, je l’aide à pleurer. » Amen !
6° Dim. ord. B. 11 février 2024 aux Carmes
Frères et sœurs, les règles d’exclusion qui frappaient le lépreux ont tout simplement pour raison d’être la contagion d’une terrible maladie qu’on ne savait pas combattre autrement qu’en instituant un cordon sanitaire autour de ceux qui en étaient atteints. La médecine moderne connaît aussi des cas de quarantaine. La seule différence est que cette mise à part est rattachée au Dieu d’Israël, dont la sainteté exigeante réclame l’éloignement de toute souillure du corps et de l’âme qui pourrait contaminer son Peuple. Jésus, dans le passage de l’évangile qui nous est lu, ne cherche pas à rejeter les sages prescriptions de la Loi. Il peut se permettre lui, le Très Pur, de faire ce que personne d’autre ne pouvait : toucher un lépreux. Car, avec lui, la contagion fonctionne dans l’autre sens : en acceptant le contact avec l’impureté de l’homme, il lui confère sa pureté, en touchant ses plaies, il le guérit. C’est ce qui permet la largeur de vue de l’Apôtre Paul (le texte vise en premier lieu la consommation des viandes offertes aux idoles) : lui aussi sait que « tous les aliments sont purs » s’ils sont pris dans la paix et la reconnaissance pour Dieu qui nous a fait ces dons. Mais, au lieu d’asséner cette conviction, et d’attendre qu’elle soit reçue de tous, il accepte d’en payer le prix. Il « s’est fait tout à tous », il a partagé les scrupules des uns, renonçant à manger de cette viande pour ne pas choquer, avec d’autres il a éclairé leur comportement, en leur donnant la raison de cette liberté. La liberté nouvelle que donne le Saint-Esprit ce n’est pas une liberté d’expression avec la bride sur le cou. Elle est sous le contrôle de la Charité, du Respect, de la Bienveillance.
Mgr Pierre Claverie, l’évêque d’Oran (en Algérie), assassiné, nous a laissé un merveilleux Petit traité de la rencontre. A partir d’une petite anecdote souriante, il explique très bien comment nous fonctionnons tous. « Pourquoi, pourriez-vous demander à un cannibale, mangez-vous des hommes ? » Evidemment c’est une question, surtout si on est avec un cannibale ! Il vous répondrait que, en fait, ceux qui connaissent les cannibales savent qu’ils ne mangent pas d’hommes. Ils risquent d’être mis à mort sur-le-champ pour avoir attenté à la vie d’un homme. « Mais, pourriez-vous protester, je viens juste de vous voir en mettre une dans la marmite. – Ce n’était pas un homme, répondrait-il, en agitant la tête. – Qu’est-ce qu’un homme ? demanderiez-vous anxieusement, conscient de l’extrême importance de la réponse à cette question… – Un membre de la tribu !… » Le Père Claverie explique : C’est ainsi que nous pouvons nous dévorer les uns les autres, de tribu à tribu ! Or Jésus n’a jamais dit : Il n’y a rien de bon dans celui-ci, dans celui-là, dans ce milieu-ci, dans ce milieu-là. De nos jours il n’aurait jamais dit : Ce n’est qu’un intégriste, qu’un moderniste, qu’un gauchiste, qu’un fasciste, qu’un mécréant, qu’un bigot… Pour lui, les autres, quels qu’ils soient, quels que soient leurs actes, leur statut, leur réputation, sont toujours des êtres aimés de Dieu. C’est sur ce chemin qu’il nous faut avancer. Au départ, nous sommes tous, les uns pour les autres, des étrangers. Alors partons de la différence. Je suis ainsi, tu es ainsi, essayons de le découvrir et de nous approcher l’un de l’autre. Pour que les bases soient vraiment communes, il faut sortir de l’illusion que les mots recouvrent les mêmes réalités. On ne peut pas vivre dans l’illusion, que finalement nous sommes très proches, que l’on peut gommer la différence, en deux temps, trois mouvements. Il faudra cheminer longuement ensemble pour se découvrir, s’apprécier, s’aimer.
Un prêtre venait d’être nommé curé. Dès son arrivée dans sa nouvelle paroisse, il s’empresse de rendre visite aux autorités civiles. Il sait que monsieur le maire n’est pas pratiquant ; il s’est présenté sous l’étiquette socialiste et on a dit à monsieur le curé qu’il était plutôt anticlérical. Mais leur premier contact est très convivial. Le curé ne manquant pas d’humour, monsieur le maire est très vite détendu et au bout de quelques minutes de conversation, se sentant en confiance, il dit à monsieur le curé : « Je dois vous dire que nous ne sommes pas du même bord »… Avec sa rapidité d’esprit, le Père curé lui réplique aussitôt : « Pourquoi ? Vous avez des bords, vous ? ! »
Le Pape François nous demande de faire du carême un temps contre l’indifférence. Il indique des pistes à trois niveaux, à commencer par l’Église. « Dans ce corps, les membres prennent soin les uns des autres, ou mieux, ils vivent les uns grâce aux autres. Vivre en Église est déjà en soi une rupture avec l’individualisme, avec l’indifférence ». Le pape recommande à cet égard de « (se) laisser servir par le Christ », durant le Carême, à travers sa Parole et dans l’eucharistie. L’autre échelon est celui des paroisses. Dans l’appel le plus fort de son message, le pape François demande qu’elles « deviennent des îles de miséricorde au milieu de la mer de l’indifférence ! » Il invite « à franchir le seuil qui la met en relation avec la société qui l’entoure ». Autrement dit, à ne pas « (se réfugier) dans un amour universel qui s’engage en faveur d’un monde lointain », sans voir les besoins immédiats. Au niveau individuel enfin, le pape indique aussi des pistes pour sortir d’une « spirale de la peur et de l’impuissance ». « Ne négligeons pas la force de la prière de tant de personnes ! », rappelle-t-il en premier lieu. On raconte que saint Vincent de Paul, interrogé sur le temps qu’il faudrait consacrer chaque jour à la prière, avait répondu : « Il est bon de prier une heure, sauf si on est très occupé et qu’on n’a pas le temps. Dans ce cas, deux heures sont nécessaires.» Amen !
Mercredi des Cendres 14 février 2024
Du livre du prophète Joël : « Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et laisser derrière lui sa bénédiction : alors, vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu. Sonnez du cor dans Sion : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple. »
Saint Jean-Paul II demande à Mgr Daucourt, évêque d’Orléans, au cours d’un déjeuner : « Avez-vous un gros problème dans votre diocèse ? -Oui, Saint-Père, un très gros problème que je ne sais pas résoudre. -Qu’est-ce donc ? -C’est la conversion de son évêque. -Eh bien, c’est exactement le même problème dans le diocèse de Rome. » A propos d’un livre où le Père Jacques Loew avait rassemblé les instructions données lors d’une retraite prêchée au Vatican, le Bienheureux Paul VI dit : « C’est un livre qui se vend bien. Tout le monde veut savoir comment on peut convertir le pape. » C’était de l’humour mais ce n’était pas pour rire ! Les trois se savaient en état de conversion permanente. Le carême est un temps d’entraînement. On le voit arriver chaque année avec un peu d’appréhension parce qu’on se demande quelles résolutions il va falloir prendre , parce qu’on sait qu’il va être difficile de les tenir, et parce que on va un peu culpabiliser…
L’évangile de ce mercredi des Cendres nous dit que le but du carême c’est d’entrer un peu plus dans l’intimité avec le Père. Jésus nous indique les trois moyens : la prière, le jeûne et le partage. La prière sera toujours un « combat ». Il faut lutter pour préserver un temps régulier pour Le Seigneur. On a toujours mille choses plus gratifiantes à faire avant de se mettre à prier. Et pourtant d’une part ce n’est que de la politesse vis à vis de Dieu à qui nous devons tout, et d’autre part, selon le mot de Georges Bernanos « c’est curieux comme mes idées changent lorsque je les prie. » Le jeûne : c’est la sobriété dans la consommation que ce soit en nourriture, carburant, media, sorties. C’est aussi l’occasion de vérifier : C’est qui le patron ? la cigarette ou moi ? C’est qui le patron ? l’alcool ou moi ? C’est qui le patron ? les sucreries ou moi ? C’est qui le patron ? Les jeux ou moi ? C’est qui le patron ? la nourriture ou moi ? C’est qui le patron ? Internet ou moi ? C’est qui le patron ? ma langue de vipère ou moi ? C’est qui le patron ? mes colères ou moi ? Le partage : c’est important de « budgétiser » sa charité. Il y a tellement de besoins dans le monde. Calculons un pourcentage. Ne donnons pas que des pièces rouges. Le carême ce n’est pas le moment des grandes révolutions mais le temps de la conversion : il s’agit de se tourner vers Jésus comme on se tourne vers un avocat ; pour demander de l’aide, pour l’appeler à la rescousse. Et Jésus va nous faire changer des petits riens. De toutes petites choses, de modestes petites choses. Des intentions, des attentions, des inflexions imperceptibles, mais qui changent tout. C’est le pouvoir des petits riens ! La force d’un merci, la puissance d’un sourire, le poids d’une main tendue. C’est retenir un soupir, s’abstenir d’une critique, oublier un reproche. Ce ne sont que de petites choses, mais qui, répétées chaque jour, modifient et bonifient le cours d’une existence. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Il me semble qu’il y a deux bonnes résolutions à prendre : 1) s’engager à lire chaque jour la page du livret « Carême à domicile ». On lit donc on prie. Et on fait dans l’heure qui suit l’effort qui est proposé. L’astuce c’est vraiment d’avancer 24 heures par 24 heures pas plus. 2) vivre le sacrement de confession sans attendre Pâques. Le Père Henri Lacordaire (1802-1861), le grand prédicateur du XIXe siècle, disait un jour : « Quand je donne mes conférences de Carême à Notre-Dame de Paris, il y a tant de monde que les gens montent sur les confessionnaux pour m’entendre. Mais à Ars, il y a un petit curé qui dit peu de choses mais qui fait entrer les gens dedans. » Pensons-y !
1er dim. de carême. 18 février 2024
Frères et sœurs,
Laissons résonner ces Paroles du Seigneur qui nous rappellent dans quel état d’esprit doit vivre un chrétien.
Du livre de la Genèse : « Dieu dit à Noé et à ses fils : Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge. […] je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. »
Et saint Paul : « Bien-aimés, le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair, mais vivifié dans l’Esprit. […] Le baptême vous sauve maintenant : […] le baptême ne purifie pas de souillures extérieures, mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite et il sauve par la résurrection de Jésus Christ »…
Et dans l’évangile, l’évocation, comme chaque premier dimanche de carême des tentations que Jésus a voulu subir avant d’entrer en scène. Nous trouvons pourquoi dans la bouche même de Jésus lorsqu’il dit : « comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, sans avoir d’abord ligoté cet homme fort ? Alors seulement il pillera sa maison. » Jésus a pris la peine de ligoter le diable pour pouvoir le dépouiller.
Et il l’a fait. L’état d’esprit du chrétien peut être traduit de différentes façons : le chrétien ne vit pas pour une victoire à gagner mais pour une victoire à gérer. Ce ne sont pas le mal ni la mort qui auront le dernier mot. Une mystique, Julienne de Norwich a rapporté cette Parole que Jésus lui a dite : « Tout finira bien : ». Le frère Paul-Adrien termine toujours ses vidéos par « L’amour vaincra ». Jésus Amour a déjà vaincu. Sa victoire un jour sera pleinement manifestée.
Voilà dans quel état d’esprit le chrétien doit vivre.
Deux images pour le dire. L’histoire raconte que Guillaume le conquérant, sur le point d’envahir l’Angleterre, donna l’ordre à ses soldats qui venaient de débarquer de mettre le feu à leurs bateaux. Ils s’interdisaient ainsi, quelle que fût l’issue des combats, tout mouvement de retraite. Le but guerrier de ces envahisseurs ne nous empêche pas de trouver un exemple à suivre dans leur attitude décidée ; ils n’étaient pas de ceux qui ont mis la main à la charrue et qui regardent en arrière. (Luc 9,62). Moïse, lui aussi, avait brûlé ses vaisseaux en quittant la cour du Pharaon. Il savait que, sur son chemin, il connaîtrait mille difficultés, mais il avait fait son choix, et il n’était pas question de revenir en arrière (Hébreux 11, 24-26). Paul, le grand apôtre, avait également brisé toutes les chaînes. Tous les titres dont il aurait pu justement s’enorgueillir, étant pharisien, zélé, sans reproche (Philippiens 3, 5-6), il les estime comme des ordures et, oubliant les choses qui sont derrière, il court droit au but.
N’aurions-nous pas quelque vaisseau à brûler ? Une habitude, peut-être, que nous aurions conservée de notre ancienne manière de vivre sans Dieu. Prenons garde, notre ennemi, le diable, peut s’en servir pour nous faire perdre du terrain, battre en retraite, enregistrer des défaites. Brûlons donc nos vaisseaux !
Deuxième image. Imaginons : vous avez l’habitude de circuler à vélo. Vous trouvez que c’est un moyen de locomotion pratique, écologique, économique et qui vous permet d’entretenir votre forme physique. Vous vous en servez pour aller faire vos courses, notamment pour aller acheter le pain à la boulangerie. Ce jour-là, vous êtes pressés, vous vous dîtes que vous aurez vite fait, vous ne mettez pas votre cadenas. Vous appuyez simplement votre vélo contre le bord du trottoir devant la vitrine. Vous espérez aller vite mais voilà que deux clients qui sont avant vous ont besoin de plus de temps. L’anxiété vous gagne. Vous n’êtes pas tranquille. Il serait si facile qu’on vous vole le vélo. Vous regardez souvent du côté de la vitrine. Et quand arrive votre tour, vous ne pouvez plus jeter de coups d’œil furtifs puisqu’il faut répondre à la boulangère… Bref, vous n’êtes pas disponible. Au contraire, le jour où vous avez mis votre cadenas, vous savez que votre vélo est en sécurité. Vous avez l’esprit tranquille. Vous êtes disponible pour parler à la boulangère, l’écouter, avoir une petite conversation avec elle. Jésus est un peu comme le cadenas du vélo. Il nous met en sécurité. Grâce à lui, nous ne sommes pas focalisés sur des soucis matériels. Nous ne sommes pas obnubilés par des inquiétudes qui n’en valent pas la peine. Je peux m’occuper du Royaume de Dieu et pas seulement de mes petites affaires, de mon petit moi. Le vélo, c’est mon avenir, mon logement, ma nourriture, mes loisirs, mes occupations, mes soucis matériels. Plus nous nous attachons à lui et plus nous sommes libres. Plus nous sommes liés à lui, plus nous disposons de nous-mêmes. Amen !
25 février 2024 Transfiguration (année B 2024)
Frères et sœurs, partons de la première lecture. A Abraham Dieu a promis un fils et Abraham a cru. A un moment donné, on lui demande de sacrifier ce fils sur lequel reposaient toutes les promesses. Il y a cette phrase dans l’épitre aux Romains au sujet d’Abraham : « Espérant contre toute espérance, il a cru ; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras ! » (Rm 4,18)
Entre parenthèse, cette parole convient très exactement à la Vierge Marie. C’est l’Ecriture elle-même qui fait continuellement le parallèle entre Abraham et Marie. D’abord la parole de l’ange Gabriel à Marie « Car rien n’est impossible à Dieu » est une allusion à ce qu’ont vécu Abraham et Sarah. L’analogie est très parlante. A Marie, on a promis un fils. On lui demande maintenant d’assister à l’immolation de ce fils dont on lui avait dit qu’il règnerait à jamais. Avec Abraham, Dieu s’était arrêté avant qu’Isaac ne meure. A Marie, on demande d’aller au-delà de la mort. Si Marie est au pied de la croix, cela signifie qu’elle était à Jérusalem. Elle a donc tout vu, tout entendu du procès de son fils, des cris de la foule qui hurle qu’elle préfère Barabbas à Jésus et que Jésus, il faut le crucifier. Comme elle vivait de foi et d’espérance, elle espérait que l’on reconnaissance l’innocence de son fils. Elle a espéré jusqu’au dernier moment, mais à la fin, humainement parlant, elle aurait dû fuir du calvaire en hurlant : « Dieu, tu m’as bien eue, tu m’as dupée, tu m’as déçue ! » Au contraire, elle reste là dans le silence.
Elle a cru contre toute espérance. Elle a cru que Dieu a toujours une possibilité en plus, contre toute apparence. Qu’est-ce que « espérer contre toute espérance ? » Dans la situation, humainement totalement démunie d’espérance, Marie a cru que Dieu était capable de ressusciter son fils. Vatican II mentionne cet élément déterminant : Sous la croix, elle apporta une coopération absolument sans pareille par son obéissance, son espérance et son ardente charité.
A notre niveau c’est ce que nous avons à croire et à vivre.
Premièrement Dieu a toujours un plan B et un plan meilleur.
Deuxièmement il veut notre coopération, comme pour Abraham et à plus forte raison la Vierge Marie. Elle ne se tenait pas seulement au pied de la croix physiquement, géographiquement, mais spirituellement. Elle était unie, elle souffrait comme Jésus dans son cœur. Ce qu’il souffrait dans son corps, elle le souffrait dans son cœur. On ne s’en étonne pas quand on sait ce que c’est qu’être maman. A ce moment-là, Jésus n’est qu’un fils qu’on exécute en présence de sa mère. Jésus ne dit plus comme à Cana : « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi ? mon heure n’est pas encore venue ». Maintenant que son Heure est venue, il y a entre lui et sa mère une grande réalité commune, la même souffrance. En ce moment extrême où le Père lui-même s’est mystérieusement soustrait à son regard d’homme, il n’est resté à Jésus que le regard de sa maman, où il a pu puiser refuge et réconfort. Peut-il dédaigner cette présence celui qui, à Gethsémani, a supplié ses trois apôtres de veiller et de prier avec lui ?
Si Jésus a voulu apparaître transfiguré à ses trois apôtres, sa « garde rapprochée », c’était pour les armer pour traverser l’épreuve de la Passion.
Quand la mort se pointe, le chrétien peut et doit se dire que Le Seigneur a un plan meilleur. Pour autant il ne faut pas fuir le combat qui précède la mort.
Quand un accident ou une maladie surviennent, nous pouvons nous dire que le Seigneur a un plan qui nous échappe, et il faut demander la grâce de préparer ce plan B ou ce plan « M » (M comme meilleur ou mieux).
Deux exemples. Paris Match avait publié le témoignage bouleversant de l’acteur de cinéma Anthony Perkins mort du sida. Juste avant de mourir, il avait publié une lettre ouverte où il dit ceci : « Il y a beaucoup de gens qui pensent que cette maladie est une vengeance de Dieu, mais moi je crois qu’elle a été envoyée pour nous apprendre comment nous aimer, nous comprendre et avoir de la compassion les uns pour les autres. J’ai plus appris sur l’amour, le désintéressement et la compréhension humaine grâce à ceux que j’ai rencontrés dans le monde du sida qu’avec ceux que j’ai côtoyés toute ma vie dans le monde de la compétition acharnée. » Il allait à la messe chaque matin, précise le magazine qui rapporte ses propos.
Les communistes veulent démolir toute cette œuvre. Ils martyrisent tous les frères franciscains, les tuent d’une balle dans la tête et laissent leur corps sur le bord du chemin. Les populations ont l’interdiction d’enlever leurs cadavres. Les militaires viennent dans un couvent de douze frères, les font tous sortir, même le plus vieux frère grabataire ; ils lui proposent de marcher sur la croix en signe de renonciation à sa foi. S’il le fait, il aura la vie sauve. Le frère prend la croix et au lieu d’y marcher dessus, il l’embrasse. Et tous les autres font la même chose… Ils sont exécutés. Ils auraient pu se dire : « après nous, il n’y aura plus personne pour évangéliser, soutenir nos frères et sœurs. Essayons de gagner du temps. » Aujourd’hui, dans la région de Medjugorje, 70% des catholiques sont à la messe chaque dimanche.
Le Seigneur a toujours un meilleur Plan pour nous. Espérons contre toute espérance. Amen !