8° ord. C 2 mars 2025 Interprétation

            Frères et sœurs, un de nos professeurs voulant citer Jésus  avait mal commencé puisqu’il disait : « Qu’as-tu à regarder la poutre qui est dans l’œil de ton prochain… » mais il s’est bien rattrapé en poursuivant : «  … alors que la charpente qui est dans ton œil à toi tu ne la vois pas ? »… ! 

Nous sommes dans un train qui a quitté une des gares de Paris depuis une bonne demi-heure. Dans ce compartiment de six places, il n’y a que trois personnes : un jeune supporter du Paris Saint Germain avec son écharpe, un jeune supporter de l’OM bien reconnaissable également. On peut dire qu’entre les deux ce n’est pas l’entente cordiale. Mais ils se respectent sans doute parce qu’ils sont intimidés par le troisième voyageur, une jeune fille suédoise très mignonne. Voilà que le train traverse un tunnel. Normalement, dans ce cas-là, un système fait qu’automatiquement, on y voit comme en plein jour… Mais là, cela ne fonctionne pas et les trois voyageurs se trouvent dans l’obscurité totale. A ce moment-là, on entend un bruit de bisou, suivi presque immédiatement par le bruit d’une grande gifle. Quand le train sort du tunnel, le jeune supporter du Paris Saint Germain se frotte la joue. Il a encore très mal, et il se dit : « Le marseillais a dû vouloir embrasser la fille suédoise, ça ne lui a pas plu. Elle a voulu lui coller une gifle et c’est moi qui l’ai reçue. » La fille suédoise se dit : « Le parisien a dû vouloir m’embrasser. Il s’est trompé. Dans le noir, il a embrassé le marseillais, ça ne lui a pas plu… Il a reçu une gifle. » Et le marseillais se dit : « Vivement le prochain tunnel, que je puisse refaire le bruit du bisou et coller une gifle au parisien… » Notre esprit fait très facilement du trapèze, de l’interprétation. C’est un poison.

Tout le monde connaît cette histoire de paille et de poutre. Jésus se montre très fin psychologue. La paille dans l’œil représente une petite faute, qui semble importante quand on la découvre chez le voisin. C’est le principe du doigt pointé. « Nous souffrons tous, comme dit le psaume 19 (verset 3) d’un ‘mal secret’. Pour découvrir ce ‘mal secret’ et pour nous en débarrasser, il y a une manière très simple.  Quand nous disons : « Tu as vu l’autre comment il est ? C’est un égoïste. C’est un coléreux. C’est un menteur. Tu as vu comment il se comporte avec ses parents ? Tu as vu comment il parle à sa femme ?» Observez : quand on montre du doigt quelqu’un, il y a un doigt qui montre la personne et trois qui sont pointés dans notre direction. Quand je vois quelque chose chez un autre qui m’agace, c’est probablement parce que moi-même j’en souffre à la puissance trois.

C’est une bonne façon pour mieux se connaître soi-même : personnellement, je l’avais remarqué au séminaire. Nous étions 85 séminaristes ou jeunes prêtres. J’étais agacé par le comportement de certains et quand j’en faisais part à d’autres, ils me disaient qu’ils ne voyaient pas le problème. Je me suis rendu compte que le problème venait de moi. C’est une bonne manière d’identifier ses propres – disons « marges de progrès »…  

A propos du jugement, il faut savoir aussi que notre esprit est sans cesse en évaluation. Un inconnu enterrait à l’église, j’aurai aussitôt une opinion sur cette personne, et chacun de vous en aurait une autre… « Il est né un quatre d’heure en retard, et il ne rattrape pas ce quart d’heure de retard ». « Formidable : un pratiquant de plus ! » « Il est venu alors qu’il aurait pu dire que ça ne valait plus le coup, vu le retard. Merveilleux ! » C’est Jésus avec son Père et le Seigneur Esprit-Saint qui a conçu notre esprit et cette capacité d’évaluation. Attention, dit Jésus de ne pas nous arrêter à cette première idée. Attention à ne pas mépriser la personne, à la regarder de haut, comme on dit.   N’avons-nous pas « deux poids deux mesures » ?

. Quand lui n’achève pas son travail, je me dis, il est paresseux. Quand moi, je n’achève pas mon travail, c’est que je suis trop occupé, trop surchargé.

. Quand lui parle de quelqu’un, c’est de la médisance. Quand je le fais, c’est de la critique constructive.

. Quand lui tient à son point de vue, c’est un entêté. Quand moi, je tiens à mon point de vue, c’est de la fermeté.

. Quand lui prend beaucoup de temps à faire quelque chose, il est lent. Quand moi je prends beaucoup de temps à faire quelque chose, je suis soigneux.

. Quand lui est aimable, il doit avoir une idée derrière la tête. Quand moi je suis aimable, je suis vertueux.

. Quand lui est rapide pour faire quelque chose, il « bâcle » Quand moi je suis rapide pour faire quelque chose, je suis habile.

. Quand lui fait quelque chose sans qu’on le lui dise, il s’occupe de ce qui ne le regarde pas. Quand moi je fais quelque chose sans qu’on me le dise, j’ai de l’initiative. . Quand lui défend ses droits, c’est un mauvais esprit.

Quand moi je défends mes droits, je montre du caractère.

J’avais tenté de faire découvrir cela à des enfants et quand je leur ai demandé de me trouver un exemple dans leur vie, l’un d’eux m’a donné celui-ci : « au football, quand mon copain ne me fait pas la passe que j’attendais, je me dis qu’il joue perso. Quand c’est moi qui ne fais pas la passe, c’est que j’avais une bonne occasion ».

Notre cerveau est sans cesse en train d’évaluer, d’estimer, d’apprécier, de jauger, d’expertiser. Et si on se servait de lui pour changer notre geste du doigt pointé en dépliant aussitôt les quatre autres doigts pour tendre la main. “Y a plein de mauvaises herbes dans sa parcelle de jardin! Il pense aux insectes pour qu’ils viennent butiner” “C’est le grand  bazar dans sa chambre! C’est super il est détaché des biens de ce monde!””-Il porte  toujours la même chemise! Il la lave tous les soirs.” “-Elle arrive toujours en retard à la messe ! Elle va  apporter le pain à son voisin! ” -“Il est cachottier ! C’est pour protéger le cœur des personnes.””Celui qui regarde avec douceur, obtiendra miséricorde “. Amen !

1er dim car 2025 Malpas et Carmes Le père du mensonge.

Frères et soeurs, le pape François rappelle sans cesse que le diable n’est pas une figure symbolique pour exprimer un mal diffus et impersonnel. Il est une créature qui s’oppose à Dieu. Le père Jacques Hamel affreusement égorgé dans son église de Saint Etienne du Rouvray en juillet 2016 s’écrie avec une lucidité d’agonisant : « Va-t’en Satan ! Satan, va-t’en ». Ses dernières paroles montraient qu’il ne se trompait pas d’ennemi. Son adversaire n’était pas ce jeune normand islamisé, mais bien le diable qui se servait de l’assassin.

Quand on croit en Dieu, on sait que les montagnes, le soleil, les forces cosmiques, son patron, l’argent, le pouvoir, la mode … ne sont pas Dieu. De même quand on croit que le Diable existe, qu’il est quelqu’un, une créature angélique déchue, cela nous permet de ne pas voir le diable partout. Cela signifie par exemple que mon voisin de palier n’est pas le Diable. Peut-être est-il le jouet du Diable, mais il n’est pas le Diable. Le seul qui soit vraiment diabolique, c’est ce Satan que l’on sert d’autant mieux que l’on ne croit pas à lui !

Nier le diable, c’est perdre l’espérance. On finit par se convaincre que les politiques sont tous corrompus, les médias tous menteurs, les prêtres tous pédophiles, les musulmans tous violents, les commerçants tous malhonnêtes, les cathos tous coincés… alors que reste-t-il, sinon Satan se frottant les mains, parce qu’il a fait du beau travail ?

Reconnaître l’existence et l’action du Diable, c’est se permettre de faire la distinction entre « tous pourris » et « tous tentés ». Que nous soyons tous soumis à la tentation, c’est une évidence. Jésus lui-même n’y a pas échappé. Mais nous connaissons beaucoup d’êtres humains qui à la suite de Jésus, à son exemple et avec sa grâce, résistent courageusement à la tentation. D’autres ayant cédé au Tentateur, se sont repentis et ont été pardonnés par Dieu. Ceux-là mêmes qui semblent la proie du mal, en sortiront peut-être un jour par la miséricorde du Seigneur.

Jésus livre une sentence sans illusion sur Satan : il n’y a point de vérité en lui. Il est menteur et père du mensonge.(Jean 8, 44). Dans l’évangile de ce dimanche, il ment en disant que tous les royaumes du monde lui appartiennent. C’est vrai de beaucoup, sans doute mais pas de tous ! Il utilise de façon perverse la Sainte Ecriture. En fait échapper à Satan c’est aussi être arraché au mensonge.    

Or nous sommes dans un climat de mensonge banalisé qui porte partout avec lui une immense défiance. Elle finit par être bien pénible et pesante cette impression que tout le monde peut dire absolument n’importe quoi et son contraire sans qu’aucune vérification ne soit possible ni même envisagée. Derrière la façade des chasses aux fake-news il faut bien se rendre à l’évidence : nous avons perdu peu à peu le culte de la vérité.

Il n’en était pas ainsi il y a quelques décennies. En 1917, les petits voyants de Fatima saint Francisco et sainte Jacintha, sont deux enfants qui, comme beaucoup d’autres à leur époque, ont été élevés dans l’horreur du mensonge. Leur père, Manuel Marto, a bien sûr du mal à comprendre ce qui a pu se passer pour eux. Cette histoire d’apparition d’une belle dame, de vision, de message, tout cela est étrange et dépasse totalement l’humble paysan. Mais il y a une chose qu’il sait ; ses enfants ne mentent pas. Ils sont incapables de mentir. Car c’est la base de l’éducation qu’ils ont reçue, ils ont été formés dans l’horreur du mensonge. Dès que le moindre mensonge s’instille quelque part, on le sait bien, la confiance se perd, la vie commune devient un enfer de soupçon permanent, le diable a gagné. On pressait Francisco et Jacintha d’avouer qu’ils avaient rêvé, que tous ces prétendus signes célestes n’étaient que des sornettes, des boniments, qu’ils n’avaient rien vu du tout. On les menaçait de l’huile bouillante s’ils ne confessaient pas que les évènements de Fatima n’étaient que pures inventions de leur part. On leur promettait des récompenses s’ils revenaient à la raison et reniaient toutes leurs allégations. Mais le petit Francisco de répliquer avec candeur : « nous voudrions bien vous faire plaisir, Monsieur le Juge, en affirmant que nous n’avons rien vu, mais nous ne le pouvons pas, car ce serait un mensonge!» Effectivement, pour un vrai chrétien, le mensonge, c’est purement et simplement impossible. On ne mange pas de ce pain-là.

Gardons-nous donc de toutes ces finasseries car comme l’écrit saint Augustin.

Dans la Divine Comédie, Dante illustre le sort misérable réservé à ceux qui pèchent contre la vérité. Quand il visite l’Enfer, il aperçoit avec effroi au plus bas de ce gouffre dont on ne peut sortir, les faussaires. Pourquoi les faussaires en dessous des  assassins, tortionnaires, proxénètes et autres exécrables spécimens ?  La réponse est pourtant simple. Quand un pécheur se repent, on peut supposer que son amendement est véritable et cela suffit pour qu’il s’ouvre à la généreuse miséricorde de Dieu. Mais le repentir du menteur, … comment savoir si ce n’est pas un mensonge de plus ?

L’Ecriture est sans ambiguïté, le lot des menteurs, c’est l’Etang brûlant de feu et de soufre (Ap 21,8). Au ciel en revanche, il n’y aura que des saints rayonnants de vérité. Si nous prétendons en être, il est probable que quelques ajustements seront nécessaires. Dieu y a miséricordieusement pourvu et c’est lui-même qui va réparer sa pauvre créature pendant ce carême. Amen !

16 mars 2025 Deuxième dimanche de Carême. Son Exode

Frère et sœurs, je le dis avec un peu d’humour. J’ai dû prêcher environ 80 fois sur cette page d’évangile. Puisque nous l’entendons à chaque deuxième dimanche de carême et chaque 6 août, fête de la transfiguration. Comment être original ? Je choisis de commenter le verset de l’évangile selon saint Luc qui n’est pas dans celui selon saint Matthieu ni dans celui selon saint Marc. En effet, saint Luc est le seul à préciser ce que faisaient Moïse et Elie.  « Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. » Moïse et Elie, sont bien deux personnes qui ont existé et que nous pourrons rencontre nous aussi au Ciel. Mais ils représentent tout l‘Ancien Testament. Moïse : les cinq premiers livres que l’on appelle le Pentateuque : Genèse, Exode, Nombre, Lévitique, Deutéronome. Et Elie représente tout le reste que Jésus appelle « Les Prophètes ».

Ainsi tout l’Ancien Testament ne parle au fond que d’une chose : le Départ de Jésus, son Exode, littéralement, son Passage, sa Croix. Dans le film de Mel Gibson La Passion, Jésus fait un geste qui déconcerte, étonne, les soldats romains ; il embrasse sa croix. Nous employons parfois l’expression “l’horrible Passion”. C’est une expression malheureuse, c’est le cas de le dire, car elle pose un regard sans foi sur la Passion. Lorsque le Canon Romain (la Première Prière eucharistique) en parle, il n’hésite pas à dire “sa bienheureuse passion”, et dans le chapelet de la Miséricorde divine “sa douloureuse passion”. Ces deux expressions sont plus justes. Malgré son horreur on ne peut parler de la Passion avec justesse qu’en disant avec toute la foi de l’Eglise culminant au coeur de la Prière Eucharistique: sa bienheureuse passion. Car Jésus était heureux de montrer tout son amour au Père et de nous sauver au point que nous le rejoindrions jusque dans sa mort, pour partager aussi sa résurrection. Est-ce que Dieu avait besoin que celui qui lui était le plus cher aille sur la terre, et par sa douloureuse passion, apaiser sa colère contre l’humanité ? Est-ce que c’est son sens de la Justice qui exigeait ce sacrifice ? « D’accord, les hommes scandaleusement méchants auront droit à rentrer au paradis mais cela se paie ! Eh bien, mon Fils, c’est toi qui vas payer… » Le connaissant un peu, je pense que le Père, le Fils et le Saint Esprit ont fait un colloque. Le Père disait : « Je vais y aller ». « Ah non ! » a dit le Fils, c’est moi qui dois y aller ». Et le Saint Esprit : « Non ! c’est à moi… ». Le Père a dit : « Toi, tu iras plus tard… pas tout de suite. » Alors, le Père s’est laissé convaincre par le Fils qui a dit : « Il vaut mieux que ce soit moi qui y aille, je leur apprendrai à dire : « Notre Père qui es aux cieux », ils auraient du mal à dire : Notre Fils qui es aux Cieux. »

Jésus réussit à Passer et fait Passer. Alors où est-il question du passage de Jésus de la mort à la vie, de la terre au Ciel ? Partout dans l’Ancien Testament. On appelle cela des « préfigurations ».  Quelques exemples : le Déluge : Noé préfigure Jésus qui sauve en construisant l’arche c’est à dire l’Eglise.  Le sacrifice d’Isaac : Isaac préfigure Jésus qui porte le bois du sacrifice sur le mont Moriya. L’histoire extraordinaire de Joseph et ses onze frères qui le persécutent et le vendent mais qui devient ainsi premier ministre de Pharaon et sauveur de ses frères.  Moïse sauvé des eaux qui devient le libérateur du Peuple.  Le Passage de la Mer Rouge à pieds secs.  Isaïe annonçant le Messie comme un agneau conduit à l’abattoir, qui rendra juste, qui ajustera la multitude.

Nous entendrons tous ces textes dans les semaines à venir à l’approche de la Semaine Sainte.

La croix est vraiment l’Exode de Jésus vers le Ciel. Et son souhait c’est que nous lui emboitions tous le pas .Et la croix aujourd’hui en 2025 c’est la messe. Imaginons. Christophe, un enfant très pauvre veut envoyer un petit cadeau à un correspondant en Afrique. Il se prive de plusieurs cadeaux pour pouvoir lui envoyer quelques médicaments, un beau tee-shirt, des friandises et un très beau livre. Christophe confectionne le paquet patiemment. Il ne faut pas qu’il dépasse deux kilogrammes. Quand enfin il a réussi à constituer le paquet, il s’aperçoit que l’envoi coûte très cher, trop cher pour lui en tout cas. Il est très déçu. Quel dommage, son paquet ne parviendra jamais à son ami !… Il est vraiment très attristé. Et puis un matin, Christophe apprend qu’un ami très riche s’apprête justement à envoyer au même correspondant, de l’autre côté de la mer, un conteneur entier de marchandises. Quelle aubaine ! Christophe va glisser son petit paquet dans l’énorme conteneur. Il demande à son ami de joindre son tout petit cadeau  au sien. Et ainsi le tout petit cadeau arrivera avec le grand cadeau, et il réjouira le coeur de celui qui le recevra. Mais jamais il n’aurait pu arriver s’il n’avait été joint au cadeau de celui qui était riche. Nous voulons offrir à Dieu nos petits sacrifices, notre cœur, nous-mêmes, mais nous sommes pauvres en Amour et surtout bien marqués par le péché Jésus s’offre à Dieu son Père. Son coeur est rempli d’Amour. Alors, nous demandons à Jésus de joindre nos petits sacrifices, notre coeur, nous-mêmes, à son sacrifice à Lui. Et ainsi, nos tout petits sacrifices arriveront avec le Sacrifice de Jésus. Nos coeurs blessés par le péché n’ont pas assez d’Amour pour parvenir jusqu’à Dieu, s’ils ne sont pas offerts par Jésus, avec Jésus, en Jésus. Le pape Benoît XVI écrit dans son encyclique « Dieu est amour » : « L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus … nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande. » Amen !


3ème DIMANCHE DE CAREME “C” – 23 mars 2025
Frères et sœurs, l’évangile nous rappelle nos questions : Pourquoi les maladies ? Pourquoi les accidents ? pourquoi les morts prématurées ? Pourquoi ?  Pourquoi ?

Et pourquoi cette petite parabole du figuier stérile après le récit de deux drames, le massacre injuste perpétré par l’armée romaine et la chute de la tour de Siloé ?

Pour nous inviter à avoir la bonne attitude le jour où nous subirons nous-mêmes un drame. Dans la parabole nous ne savons pas très bien qui est le propriétaire et qui est le fermier, le vigneron. C’est probablement la même personne, Le Seigneur lui-même, qui pourrait avoir des raisons de tout éliminer mais qui préfère patienter. Il pourrait arracher le figuier qui ne porte pas de figue ; il préfère lui donner encore une chance.

Quand nous sommes victimes d’un malheur, l’attitude a plus fructueuse c’est de se poser deux questions : dans cette situation dramatique que je vis, quelles sont les Grâces que le Seigneur m’envoie et quels sont les Appels qu’il me lance ? 

Moïse aurait pu passer son temps à se lamenter : pourquoi nous ? Pourquoi cet esclavage de mon peuple ? Ce n’est pas juste, nous n’avons pas de chance. On le voit au contraire en vigilance : que fait Dieu pour nous ? Que veut-il que nous fassions ?

Jésus n’est pas venu donner une explication de la souffrance mais la remplir de sa Présence, dit Paul Claudel.  

1. Est-ce que je sais recevoir les grâces qu’il m’envoie ? (est-ce que j’accepte de me laisser sauver ?) 2. Est-ce que je sais entendre les appels que Dieu me lance ? (est-ce que j’accepte de devenir instrument du salut de Dieu, selon ma condition et ma vocation ?) C’est l’histoire d’un curé d’un petit village perdu au fond d’une vallée de Drôme. Il vient de fêter ses 50 ans de sacerdoce. 5O ans de fidélité, ce n’est pas rien… ! Pendant l’été, de gros orages dans les montagnes environnantes font monter dangereusement le lit de la rivière qui traverse sa paroisse. L’église est inondée, le presbytère qui est en contrebas encore plus. On envoie des pompiers chercher le brave curé. Mais ils se heurtent à un refus souriant : “Ne vous inquiétez pas pour moi…, je prie le Bon Dieu… 50 ans de fidélité, il ne peut pas m’abandonner…” Les eaux montent encore… Une deuxième équipe de pompiers repart en zodiaque pour convaincre le brave Père de quitter son presbytère. Mais, pas plus que les précédents ils n’arrivent pas à le convaincre. “N’ayez crainte, j’ai confiance, Le Seigneur me récompensera.” Dans la journée on enverra un troisième zodiaque… qui n’aura pas plus de succès. Et finalement ce que les pompiers redoutaient arrive bel et bien. Le curé est englouti par les flots impétueux. Il arrive au ciel… On fait appeler saint Pierre… “Venez vite ! Il y a quelqu’un qui vous demande et qui est très mécontent.” En effet, le Père Curé est furieux, tout rouge d’indignation… Saint Pierre le calme : “attendez, attendez”… – “Où étiez-vous curé ?…” – “A Trou sous bois… ! ” – “Ah oui c’est ça… mais dites donc, on vous a envoyé trois zodiaques !…”.
Une deuxième « parabole » : Une compagnie de navigation recherchait un opérateur radio. Les candidats à l’emploi étaient nombreux et attendaient dans une salle leur convocation devant le chef du personnel. Les conversations allaient bon train, émaillées de plaisanteries. Tout à coup, un jeune homme, qui paraissait indifférent à tout ce qui se disait, se leva et d’un bond se précipita dans le bureau du chef. Il en sortit peu de temps après avec un large sourire : il était accepté comme opérateur radio. Les autres candidats n’avaient qu’à se retirer et c’est ce qu’ils firent, non sans maugréer : “Nous étions là avant lui. Pourquoi ne nous a-t-on pas reçus, nous ? – Messieurs, déclara le chef du personnel, un message a été transmis en morse dans la salle où vous vous trouviez. C’était celui-ci : “Le premier qui recevra ce message peut entrer directement dans mon bureau. C’est lui qui sera engagé. Nous avons besoin d’un homme qui soit toujours en alerte.”
– Savons-nous reconnaître et accepter les zodiaques que Dieu nous envoie ? – Savons-nous recevoir les appels qu’il nous lance ?

Prenons l’exemple du SIDA Quels appels Le Seigneur nous lance ? Quels “zodiaques” nous envoie-t-il ?

1.Dès le 1er janvier 1986, Mère Térésa avait ouvert une maison d’accueil en plein coeur de New York, pour les malades du SIDA les plus pauvres, ceux condamnés à mourir dans la rue. La maison s’appelle : “Gift of love” (le Don de l’Amour).

2. A Paris, le cardinal Lustiger avait fait ouvrir une maison pour accueillir les séropositifs, les sidéens et leur famille cette maison s’appelle le “Centre Tibériade”.

3. à Paray le Monial, j’avais rencontré une fille de 24 ans à la foi rayonnante : Véronique. Elle était infirmière dans sa région natale, la Normandie. Un jour, elle écoute une cassette du Père Claude Bernard qui a ouvert en 1989 une maison d’accueil pour sidéens en phase terminale. Elle lui écrit : “la cassette a déjà 3 ans, vous n’avez peut-être plus besoin de mes services et je ne corresponds peut-être pas au profil mais j’ai ressenti un appel.” Le Père Bernard lui répond. Quinze jours après, elle est partie pour Nice. Depuis, elle soigne, accompagne les sidéens qui ont trouvé pour ultime recours l’association du Père Bernard.

4. Un des témoignages les plus bouleversants est celui de l’acteur de cinéma Anthony Perkins (sept. 1992). Juste avant de mourir, l’acteur Anthony Perkins, atteint du sida a publié une lettre ouverte : témoignage saisissant d’une maladie traversée dans la Foi : “Il y a beaucoup de gens qui pensent que cette maladie est une vengeance de Dieu, mais moi je crois qu’elle a été envoyée pour nous apprendre comment nous aimer, nous comprendre et avoir de la compassion les uns pour les autres. J’ai plus appris sur l’amour le désintéressement et la compréhension humaine grâce à ceux que j’ai rencontrés dans le monde du sida qu’avec ceux que j’ai côtoyés toute ma vie dans le monde de la compétition acharnée.” Il allait à la messe le matin, précise “Match”. Mystère de la souffrance qui, acceptée, peut mettre chacun sur le chemin de la rédemption. On pourrait faire la même investigation pour les inondations, le problème des exclus, les maladies qui vous atteignent sans prévenir…

Le temps du carême est un temps où l’on déploie ses antennes pour bien capter les appels du Seigneur, pour discerner les zodiaques qu’il ne cesse de nous envoyer. Demandons la grâce de percevoir chaque jour et les misères de notre temps, et la miséricorde de notre Dieu, et les cordes qu’il tend à notre misère ! AMEN

Annonciation 2025 Quatre textes pour une grâce inouïe

Bonne fête de l’Annonciation !

Dans la première lecture, le prophète Isaïe reproche au roi Acaz de refuser le signe que Dieu lui donne: s’il s’agissait de douze légions d’anges pour repousser le siège de Jérusalem par les chaldéens, il se serait empressé! Mais que la Vierge enfante un fils… ! C’est pourtant « la faiblesse de Dieu plus forte que l’homme, la Sagesse de Dieu qui rend folle la sagesse de ce monde ».  Dieu a voulu, dans un plan qui nous demeure insondable, accomplir le salut de l’homme en répondant au péché non pas seulement par le pardon, mais par l’effusion stupéfiante d’une miséricorde infinie. Le seul signe qui nous soit donné, pour croire à l’action souveraine et toute puissante de la Providence divine, est donc la Vierge Mère et son tout petit enfant.

Le Psaume, quant à lui, nous permet d’assister au dialogue à l’intérieur de la Sainte Trinité au moment où le Seigneur a décidé l’Incarnation. C’est le psaume 40 (39) plus précisément les versets 7-9 d’ailleurs cités par la Lettre aux Hébreux : » Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre « (He 10, 5-10).  Le Fils dit au Père : « Tu ne veux ni sacrifice ni holocauste mais tu me fais un Corps. Alors je réaliserai dans mon corps d’homme ta Volonté, Père, et je ramènerai leurs cœurs dans notre Communion ». Et voilà pourquoi le prophète Michée annonçait que nous serions sauvés par un enfantement : » Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur » (Mi 5, 1-4a).

La deuxième lecture est précisément cet extrait de la Lettre aux Hébreux. L’auteur écrit : « Le Christ […] déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. […] Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes. »

Et le magnifique récit de l’Annonciation, si simple et si dense. Aujourd’hui nous faisons mémoire de la conception d’un enfant qui existait avant sa maman, avant son papa ! Jésus, c’est le Fils de Dieu en personne qui pré-existait à ses parents. Si vous n’y croyez pas, nous resterons bons amis, mais vous n’êtes pas chrétiens, vous ne croyez pas à ce qui est le cœur de la foi chrétienne : «Le Verbe s’est fait chair». L’enfant Jésus n’est pas un enfant comme nous, procréé par ses parents, qui aurait été ensuite habité par Dieu, c’est l’hérésie de Nestorius condamnée au Concile d’Ephèse en 431. Jésus serait un homme habité par la divinité ce serait un peu moins mystérieux, mais ce n’est plus le christianisme.  Jésus, c’est Dieu-Le-Fils en personne qui a demandé à la Vierge Marie de lui donner un corps semblable au nôtre. Il est l’Emmanuel venu dans notre histoire. Rappelons-nous le rêve de Dieu. Le rêve de Dieu c’est de faire des hommes, des êtres pleins d’amour, d’un amour inconditionnel. Nous sommes faits pour aimer à la façon de Dieu, de façon totalement désintéressée. Dieu veut que brûle dans nos cœurs un amour semblable au sien : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés».  Et comment cela est-il possible ? Parce que Dieu répand dans notre cœur l’Esprit-Saint. Mais, comment Dieu répand-il l’Esprit-Saint dans le coeur des hommes ? Par le Corps de Jésus né de la Vierge Marie. «Il est grand le Mystère de la Foi». C’est par l’humanité du Christ, c’est par le Corps de Jésus «né de la Vierge Marie, qui a souffert sous Ponce Pilate, qui est ressuscité à jamais» que l’Esprit-Saint est répandu dans le cœur des hommes. Ne supportez pas que quelqu’un dise devant vous que les chrétiens méprisent le corps.  C’est par un corps que nous sommes sauvés, c’est par un corps que nous recevons la plénitude de l’Esprit-Saint. Il est «Le Christ» (participe passé du verbe oindre, en grec) «le Messie» (participe passé du verbe oindre, en hébreu). Le Christ est celui qui est tellement rempli de l’Esprit-Saint qu’il peut le répandre abondamment sur tous ceux qui s’approchent de lui avec confiance et amour.

Nous sommes sauvés par un corps né du ventre d’une femme. Il y a eu un peu de potassium, de calcium, de magnésium qui ont été le potassium, le calcium de Dieu. «incroyable mais vrai» dirait l’autre. Nous sommes sauvés par un corps, tout passe par le «Corps de Jésus né de la Vierge Marie». Nous ne sommes pas seulement sauvés par une parole, par un message, mais par «la Parole faite chair ».

Lorsque je communie à Jésus, je communie à celui qui est tellement rempli de l’Esprit-Saint qu’il peut le répandre sur tous ceux qui communient à son Corps. «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui». C’est par le Corps de Jésus que je reçois toutes les grâces de Dieu. Toutes les grâces de Dieu passent par ce Corps «né de la Vierge Marie». Il y a un véritable corps à corps dans la vie chrétienne; c’est le réalisme de l’Eucharistie. Grâce au Oui de Marie de Nazareth. Voilà pourquoi il est bien de terminer nos messes par un chant à la sainte Vierge Marie. Il est bien surnaturel de la remercier… !

Dimanche 30 mars 2025 4° de Carême C Laetare Le Père prodigue

Frères et sœurs, Cette parabole est la plus connue des paraboles de Jésus. On l’appelle la parabole du Fils prodigue, mais sans doute vaudrait-il mieux l’appeler la parabole du Père Prodigue. Dieu y est révélé comme le Prodigue. Comme un prodigue il jette son amour par les fenêtres. Comme un prodigue il gaspille sa Miséricorde. Comme un prodigue il dépense son pardon sans compter. Comme un prodigue, il prend le risque que les bénéficiaires profitent de lui.

C’est une histoire en quatre actes.

1er acte : une rupture. Son fils cadet quitte la maison. Le péché c’est la rupture d’alliance. C’est le refus de vivre dans la dépendance, c’est préférer vivre dans l’oubli de Dieu, dans les dispersions. Ce sont les distractions pascaliennes :  j’absolutisme mon ego, mon moi, j’idolâtre les relations aux autres, mon dieu – avec un petit « d », c’est le monde (il me procure de la jouissance), c’est la nature (je recherche les pouvoirs dans l’occultisme, je recherche les émotions dans la drogue…). Eh oui, quand on retire Dieu, on idolâtre forcément quelque chose. L’homme est comme le panthéon : sa clef de voute est une ouverture qui attend Dieu. Si vous ne recevez pas le Vrai Dieu, il faut trouver un dieu de substitution. Si vous n’atteignez pas le Paradis d’amour, vous cherchez les parodies de l’amour. Si vous n’avez pas l’effet Père, vous vivez dans l’éphémère. Si vous loupez les parfums d’éternité, vous vous contentez des parfums d’éther.

2ème acte : la descente aux enfers et l’escalier en colimaçon.

A plus ou moins brève échéance, il tombe dans la déchéance. Il vit dans la famine. C’est la souffrance de ceux qui vont au bout de la dispersion. Ils connaissent le vide qui fait dire : « je n’ai plus rien à perdre ». C’est une image de la déchéance de son humanité.  Il aurait bien voulu les gousses mais personne ne les lui donnait. Mais en fait, ce dont il a faim, c’est le don, la relation d’amour. On peut penser que pour le moment il ne ressent pas plus que la « contrition de l’estomac ». Dieu s’en contente. Par le fils cadet, Jésus nous met en scène la pauvre humanité qui ne connaît que comme un cyclope, ces personnages de la mythologie qui n’ont qu’un seul œil. Le cadet cyclope fait sa mise en scène. Il cherche le ton. Il apprend son petit laïus… Le rideau tombe. (Comment cela se fait-il que ce Père ait deux garnements qui n’aient rien compris ? On peut penser que c’est parce qu’il manque la maman. D’où l’importance de prendre chez soi, comme saint Joseph, La Vierge Marie.)

3ème acte : le Père l’attendait. Tous les jours avec un petit escabeau, il allait au bout du jardin, il installait l’escabeau, montait dessus pour scruter l’horizon et voir si le fils ne revenait pas.

« Ce qui m’a fait revenir, c’est le regard de mon papa »  On se rappelle le cri de Dieu, dans le Livre de la Genèse, juste après le péché originel :« Homme où es-tu ? où es-tu ? » Il l’aperçoit, il est pris de pitié : « voilà mon garnement. Faisons celui qui ne voit rien. D’où sors-tu toi ? »

Si l’on en croit le tableau de Rembrandt, Le Père, en fait, est un cheik (prononcer chir), un Maître, un Roi. Le protocole lui interdit de courir. Par dignité, pour le protocole, il doit marcher lentement, de façon solennelle.

Or là, il court ! Pour nous donner l’étreinte.

Avec ce père prodigue, on est loin du tribunal du surmoi toujours intransigeant, culpabilisant, moralisateur.

Il couvre le fils cadet de baisers. Arrêtez-vous sur cette phrase.

Le fils essaie de dire quelque chose, de redire ce qu’il avait préparé, ce qu’il avait répété.  Mais le ton n’y est plus… Car il avait préparé en fonction de ce que lui disait son surmoi… Il est en train de se rendre compte que son Paternel ce n’est pas le surmoi. Vous vous rendez-compte, il dit : « Père »… !

Le Père ordonne qu’on lui redonne sandales, anneau, manteau.

Sandales au pied : seulement les hommes libres ont des sandales.

L’anneau à cacheter : c’est l’équivalent de la carte bancaire avec le numéro de code.

Le manteau : nous sommes  restaurés dans notre dignité baptismale. Le rideau tombe. On est tous très émus…

4ème acte : c’est la confrontation avec le frère ainé qui a des mots très durs. Son frère a trainé « avec des filles ». Est-ce que souvent nous ne sommes pas durs avec les pécheurs justement parce qu’ils ont fait ce que nous aimerions faire… ! Il faudrait citer tous les passages de Jésus sur la paille et la poutre, la mesure dont nous nous servons pour les autres qui servira aussi pour nous…

Et cette parole extraordinaire : Le Père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” ». « Et tout ce qui est à moi est à toi » : c’est la même parole que l’on trouve en Jn 17.  A quelques heures de sa Passion, Jésus prie : « Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. »

Quand vous recevez la communion vous pouvez entendre : « tout ce qui est à moi est à toi » et vous répondez « tout ce qui est à moi est à toi ». C’est la réciprocité du don, le Seigneur Esprit-Saint en personne.