Vendredi 4  avril 2025 La force quand on se sait envoyé

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 7, 1-2.10.14.25-30) : «En ce temps-là, Jésus parcourait la Galilée : il ne voulait pas parcourir la Judée car les Juifs cherchaient à le tuer. La fête juive des Tentes était proche. Lorsque ses frères furent montés à Jérusalem pour la fête, il y monta lui aussi, non pas ostensiblement, mais en secret.On était déjà au milieu de la semaine de la fête quand Jésus monta au Temple ; et là il enseignait. Quelques habitants de Jérusalem disaient alors : « N’est-ce pas celui qu’on cherche à tuer ? Le voilà qui parle ouvertement, et personne ne lui dit rien ! Nos chefs auraient ils vraiment reconnu que c’est lui le Christ ? Mais lui, nous savons d’où il est. Or, le Christ, quand il viendra, personne ne saura d’où il est. » Jésus, qui enseignait dans le Temple, s’écria : « Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même : mais il est véridique, Celui qui m’a envoyé, lui que vous ne connaissez pas. Moi, je le connais parce que je viens d’auprès de lui, et c’est lui qui m’a envoyé. »On cherchait à l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue. »

D’où Jésus tient-il sa détermination en même temps que sa liberté ? Du fait qu’il est envoyé. Par deux fois il leur parle de Celui qui l’a envoyé.

C’est aussi la grâce du chrétien. Voici un témoignage recueilli par Doudou Callens dans son libre « L’amour souffle où il veut ».

Au printemps 1975, il terminait de longues études à Rome. Les nouvelles de la défaite imminente des Américains, ce qui s’en suivrait pour le Vietnam du Sud, lui devenaient insupportables. Il rencontra le Père Général : Pedro Aruppe, et lui demanda, en toute connaissance de cause, l’autorisation de se rendre à Saïgon. Le Général Jésuite écouta et refusa. Deux, trois jours passèrent et le jeune père fut rappelé par Pedro Aruppe.- Je vous donne l’ordre de vous rendre dès que possible au Vietnam. – Je n’ai pas accédé, cher Père, à votre désir de retourner chez vous. Je vous envoie dans la sainte obéissance, en mission. Quoiqu’il arrive, ne l’oubliez pas : vous êtes envoyé. Je ne vous ai pas donné une autorisation mais un ordre.  Le jeune prêtre débarqua dans une ambiance de panique et sauve-qui-peut. – Tu es fou, c’est une question d’heures. Nous essayons tous de partir et toi, tu es venu … ?  – Je suis envoyé en mission ici, par la Compagnie de Jésus. Je suis prêtre d’un Dieu qui s’est fait solidaire avec nous coûte que coûte. Mon premier devoir est d’être avec ceux qui souffrent. Le jeune prêtre fut discrètement nommé provincial avant d’être arrêté. Il passa les trois premières années dans une prison de la ville. Pêle-mêle avec les profiteurs, les traîtres, les officiers vaincus, les souteneurs, les trafiquants, les voleurs, les anciens bourreaux …

Chacun ne disposait que de la surface de ses pieds. Pour dormir, on s’accroupissait sur ses talons, jusqu’à ce que les jambes n’en puissent plus. Alors on se relevait laborieusement, et on cherchait à respirer.

Il était un prêtre ordinaire envoyé sur ordre pour une mission extraordinaire dans un lieu perdu. Et quelle mission plus extraordinaire que celle de donner le pardon de Dieu ? Sa priorité était donc de confesser …

– Je n’ai pu communier, mais j’ai confessé, bien que ce fût strictement interdit, pendant trois ans. Il y avait beaucoup de passage.

C’est la confiance en mon Supérieur qui m’a sauvé. Je me disais : par le supérieur général, c’est Dieu lui-même qui m’a envoyé ici pour que j’y travaille à sa Gloire, davantage de Gloire ! Je suis dans l’obéissance, Dieu pourvoira.  Ensuite, il avait été transféré dans les camps de travaux forcés, où les conditions étaient plus douces ! Les prisonniers se faisaient donner du riz par des femmes extérieures, sous le regard des gardes avec qui ils partageaient. Selon la disposition des doigts sur les bols, ils savaient que dans tel ou tel récipient, des préservatifs étaient cachés sous le riz, contenant des boulettes de pain et du vin. Immense joie alors pour lui et les prisonniers dont la plupart étaient baptisés. Pour qu’il puisse célébrer la messe dans le dortoir, les détenus lui avaient laissé la banquette supérieure au raz de la tôle surchauffée. La température pouvait y devenir insupportable. Il n’y avait pas la place de s’asseoir. L’avantage était que les gardiens en entrant à l’improviste ne pouvaient distinguer ce qu’il faisait. Il y faisait ce pourquoi il avait été ordonné : la Messe. Rendre présent le sacrifice de Jésus. En fin de soirées de ces longues années, couché sur le dos, il célébrait en prenant son temps, sur poitrine dégoulinante de sueur. Son corps amaigri, harassé, mais consacré devenait l’autel du sacrifice de l’amour fou. L’extraordinaire parole toute-puissante de Dieu ; des miettes de pain et des gouttes de vin ; un homme tout ordinaire mais … prêtre ; la foi de l’Eglise, et le Roi des Rois, l’infiniment tout-puissant Seigneur venait se donner vivant. Car Dieu n’a qu’une parole, inconditionnelle, d’absolue fidélité, qui produit ce qu’elle dit.

Quand, après treize ans de mission en prison, il arriva à l’aéroport de Rome, le Général de la Compagnie de Jésus lui-même l’attendait.

Le Père Peter Hans Kolvenbach avait certainement ce jour-là veiller aux intérêts généraux de sa congrégation …

Mais il vint. Il le serra dans ses bras, tint à porter son petit balluchon en toile.

– J’ai cru comprendre que mon prédécesseur, ce cher Père Aruppe, vous avait envoyé en mission. Elle est finie. Et comme disent nos frères américains : bienvenue à la maison.

Avancer sur la Parole d’un autre, voilà la grâce du chrétien.

Les bonus : La Sainte Tunique : un trésor de la Passion au cœur de l’histoire de France – Jacques de Guillebon