Mercredi 26 mars 2025 Pas un iota
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 17-19) : « En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »
« Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. »
Accomplir cela veut d’abord dire « achever, terminer ». Jésus est venu pour porter à son achèvement toute l’Ecriture. Il est le dernier mot, la conclusion, le moment où l’on reçoit la clef de tout, où l’on comprend le fil rouge, l’intention première de toute l’œuvre. Parfois on aime revoir certains films ou relire certains romans quand on connait le dénouement. Cela permet de savourer tout le cheminement.
Accomplir, cela veut dire aussi « effectuer, exécuter, réaliser, mettre en pratique ». Jésus est la seule personne au monde dont toute la vie était déjà décrite par le détail avant qu’il ne naisse : sa conception virginale, son passage en Egypte, sa prédication, les signes du Royaume, ses miracles, les persécutions, sa passion, sa mort sur la croix et sa résurrection.
« Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. » Jésus a tout réalisé ou plutôt il réalise avec nous, à la mesure de notre foi. Car il nous donne de participer à sa Mission de Prêtre, de Prophète, et de Roi. Et nous pouvons mettre beaucoup d’amour à veiller à ce que pas un iota de la Loi ne soit laissé pour compte.
On raconte qu’un jeune collégien d’origine maghrébine, qui s’appelle Younés, travaillait très bien à l’école. Il était non seulement bon camarade agréable et sympathique mais aussi un élève bûcheur, très appliqué. Cependant le professeur principal convoque son papa. « Monsieur Bilhal, nous sommes très satisfaits de votre fils. Younés est un élève très studieux. Les devoirs sont parfaits. Il a 20/20 en mathématiques, 18/20 en anglais et en allemand, 17/20 en SVT et même 17/20 en éducation physique… Mais, mais, mais… Younés semble fâché avec l’histoire. Il rend toujours sa feuille blanche. En cours d’histoire, il semble comme absent. Il n’ouvre jamais son livre. On ne comprend pas… ». Et monsieur Bilhal répond : « C’est tout qu’est-ce que je lui dis : mon fils, tu travailles bien à l’école… Il faut bien travailler à l’école et surtout tu n’fais pas d’histoire ! »….
On peut admirer l’obéissance de ce pré-ado vis-à-vis de son papa… Obéissance au pied de la lettre qui l’empêche de progresser.
Dans l’Eglise, à partir de 1968, on a vécu l’excès inverse sous le prétexte que Jésus aurait fait prévaloir une religion du pur amour au lieu des commandements tâtillons de jadis. Foin de l‘observance du jeûne et de l‘abstinence à des dates fixes ! Foin de l‘obligation de la messe et du repos dominicaux ! On peut toujours s’arranger avec le Bon Dieu qui a l’esprit suffisamment large pour ne pas s’offusquer d’un morceau de jambon dans l’omelette d’un vendredi de Carême. Si on ne peut aller commodément à l’unique messe du dimanche matin, on ira le jeudi, qu‘importe, et si on ne va pas à la messe, on fera un acte de charité. Est-ce que Dieu ne préfère pas l’amour à tout le reste ?
Un prêtre dit qu’il se souvient de la remarque de son curé du temps où il était vicaire dans une paroisse de Paris. Il avait raconté à table qu’il habituait les étudiants dont il s’occupait à exiger au Resto U du poisson le vendredi, sinon à refuser le plat de viande qu’on leur servait. Sincèrement scandalisé, il lui répondit que le seul point sur lequel les catholiques devaient se distinguer c’était l’amour du prochain. Et il ajoutait « nous ne sommes pas des pharisiens ».
Or Jésus ne reproche pas aux pharisiens d’accorder une importance extrême à l’obéissance aux moindres prescriptions de la Loi.
Il leur reproche plutôt leur manque de perspective d’ensemble, la tendance à mettre tout sur le même plan, sans tenir compte de la primauté des règles morales : « C’est ceci qu’il fallait faire sans négliger cela » (Matthieu 23,23)
Le danger que nous courons n’est certainement pas aujourd’hui celui du légalisme (perversion possible du sens de la Loi de Dieu) mais bien plutôt le « spiritualisme » qui ramène tout à une attitude de l’esprit, à une intention. Certes, l’intention est première et sans elle aucun geste religieux n’a de valeur. Mais, en refusant que notre amour pour Dieu s’incarne dans des rites et des interdits, en étant prêts à remplacer une chose par une autre pour ne pas nous gêner, nous manifestons que nous sommes les seuls maîtres du jeu et en définitive que nous sommes la mesure du bien et du mal.
Nous avons à apprendre l’exigence abrupte du Dieu, trois fois saint, de Celui que Moïse a salué comme le Tout-Autre. Ses commandements en sont la trace dans notre vie. A vouloir les humaniser, les rationaliser, les spiritualiser, nous risquons fort de mettre à la place l’idole de nos désirs, de notre confort et de nos fantaisies. Et ce ne sera pas une libération.
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