Vendredi 25 avril 2025.  L’eau vive depuis la Droite

Il est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean : « En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples. »

J’emprunte la réflexion au beau livre de l’exégète  Marc Rastoin « Simon Pierre dans le nouveau testament » aux éditions Salvator.

Pour ce récit de la pêche miraculeuse, le Père Marc Rastoin parle de petit chef-d’œuvre de saint Jean. Ce récit est simultanément limpide et énigmatique. Familier et étranger. Nous sommes en Galilée mais le Ressuscité de Jérusalem est là. Les apôtres devraient être en mission et ils vaquent à leur ancien métier. Ils devraient être douze ou onze à tout le moins, et les voilà sept. Mais pourquoi 153 poissons ? Il a été assez vite observé que ce nombre est un nombre triangulaire très apprécié des Grecs. Il consiste en la somme des dix-sept premiers chiffres (1+2+3+4+… +17=153). Cela dessine un triangle dont chaque côté compose dix-sept points. En outre, les nombres 10 et 7 qui le composent sont deux chiffres qui symbolisent l’universalité.

L’interprétation doit repartir du contexte. A quoi peuvent correspondre les deux nombres 17 et 153 ? Commençons par 17. Nous sommes au bord de la mer et il s’agit de poissons. Le Passage de l’Ancien Testament auquel cette scène renvoie le mieux est, de l’avis quasi unanime des commentaires, celui de la vision d’Ezéchiel 47, où le prophète voit l’eau sortant du côté droit du Temple et assainissant et irriguant la terre Voici les verset 9 et 10 de ce chapitre 47 où l’on retrouve en hébreu l’attribution de nombres à certains noms propres : « Et alors tous les êtres vivants qui fourmillent vivront partout où pénétrera le torrent. Ainsi le poisson (17 puissance 2) sera très abondant car cette eau arrivera là, et les eaux de la mer seront assainies, il y aura de la vie partout où pénétrera le torrent. Alors des pécheurs se tiendront sur la rive ; et depuis Ein-Geddi (17) jusqu’à Ein-Eglaïm (153), ce sera un séchoir à filets. Les espèces de poissons seront aussi nombreuses que celles de la grande mer ».

Ainsi saint Jean  a établi un lien discret entre le passage scripturaire d’Ezéchiel évoquant l’eau vive qui irrigue tout ce qui est mort depuis la terre d’Israël (Ein-Geddi) jusqu’à la terre païenne de Moad (Ein-Eglaïm) et la pêche des apôtres du Christ. Par ailleurs, l’allusion au fait que la pêche se fait par le côté droit de la barque fait écho au côté droit du Temple par où s’écoule l’eau de la vie en Ezéchiel 47,1.2.

Même si les autres disciples ont tiré le filet depuis la barque, c’est Pierre seul qui tire le filet à terre (Jn 21, verset 11b). De même l’emploi du même mot rare, « feu de braises », employé pour le feu (Jn 21, verset 9) renvoie au reniement (Jn 18,18) et confirme le renouvellement de la mission donnée à Pierre qui va suivre immédiatement. Tout comme Luc, Jean a choisi de relier étroitement rappel de la chute de Pierre et confirmation de sa mission.

C’est à partir de l’épreuve, surmontée en raison de la prière du Christ, que l’appel peut être entendu de nouveau. L’ecclésiologie de Jean 21 couvre donc l’ensemble de la mission apostolique :  les apôtres comme pêcheurs d’hommes, la communauté unie comme rassemblement des Juifs et des nations, le rôle spécifique dévolu à Pierre (sans exclure les appels particuliers), l’enracinement permanent dans la Parole du Christ et dans le pain partagé (l’allusion à l’eucharistie est limpide en Jean 21,13). Pour que la mission porte du fruit. La dimension du salut eschatologique largement ouvert envisagé par Ezéchiel 47 trouve bien son accomplissement en Jean 21.

Les bonus : Formation à la vie dans l’Esprit Saint – Fr. Baudouin Ardillier (partie 2/2)