Mercredi 18 juin 2025 : Hypocrites
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 1-6.16-18) : « En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux- là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire- toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
Peut-être avez-vous lu cette page du livre de Marcel Pagnol « La Gloire de mon Père »… « Ne t’inquiète pas pour Paul, me dit ma mère. Il adore sa petite soeur, et il a beaucoup de patience avec elle : il s’en occupe toute la journée. N’est-ce pas, Paul ? – Oh oui, maman ! Il s’en occupait en effet. Il l’installait à deux mètres du sol, dans les deux branches fourchues d’un olivier, et faisait semblant ensuite de l’abandonner à son triste sort : un jour, comme elle avait peur de descendre, elle grimpa jusqu’aux plus hautes branches, et ma mère épouvantée vit de loin ce petit visage au-dessus du feuillage d’argent… Paul affirma ” qu’elle lui avait échappé “; et la petite soeur fut désormais considérée comme un singe, capable des pires escalades. Mais les crimes ne restent jamais ignorés, si bien qu’un soir je trouvai Paul dans notre chambre, sanglotant sur son oreiller. Il avait, en ce jour fatal, inventé un nouveau jeu dont les règles étaient très simples… Il pinçait fortement le mollet de la petite soeur, qui poussait aussitôt des cris perçants. Alors, Paul courait, comme éperdu vers la maison : ” Maman ! Viens vite ! Une guêpe l’a piquée ! ” Maman, accourut deux fois avec du coton et de l’ammoniaque, et chercha à extraire, entre deux ongles, un aiguillon qui n’existait pas, ce qui redoubla les hurlements de la petite soeur, pour la plus grande joie du sensible Paul. Mais il commit la grande erreur de renouveler une fois de trop sa plaisanterie fraternelle. Ma mère, qui avait conçu des doutes, le prit sur le fait : il reçut une gifle magistrale suivie de quelques coups de martinet, qu’il accepta sans broncher : mais la remontrance pathétique qui suivit lui brisa le coeur, et, à sept heures du soir, il en était encore inconsolable. »
Peut-on échapper à l’hypocrisie ? Robert avait eu une jeunesse dévoyée ; mais, converti à Jésus Christ, il était devenu un fidèle prédicateur de l’évangile. Ce soir-là, au moment où il entrait dans la salle où il devait prêcher, un inconnu lui glissa dans la main un papier sur lequel il lut ceci : “Vous êtes un hypocrite. Voilà de quoi vous rafraîchir la mémoire. Rappelez-vous ceci… et cela… Aurez-vous le courage ce soir de vous lever dans cette salle pour prêcher la bonne parole ?” Le coup était brutal. Robert monta sur l’estrade, ouvrit sa Bible et lut (en1 Tim 1,15): “Le Christ Jésus est venu dans monde pour sauver les pécheurs dont moi je suis le premier” Il fit une pause et commença ainsi son allocution : “Mes amis, quand je suis entré dans cette salle, un message m’a été remis. L’auteur qui me connaît m’accuse d’avoir eu autrefois une conduite scandaleuse. J’ai trois choses à vous dire : La première, c’est qu’il a parfaitement raison ; et je reconnais avec honte et chagrin les désordres de ma jeunesse. La deuxième, c’est que tout est pardonné, car si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner, à cause de l’oeuvre accomplie par Jésus à la croix. La troisième, c’est que si Dieu peut pardonner à quelqu’un d’aussi coupable que moi, il n’y a personne qui soit un trop grand pécheur pour ne pas obtenir, lui aussi, ce pardon divin…”.
Timothy Radcliffe dans un de ses livres, écrit : « Nous sommes tous une œuvre en cours. Il y avait un avis sur la porte du dominicain Filipino, maître des novices : « Soyez patient avec moi. Le Seigneur n’en a pas encore totalement terminé. » J’ai de nombreux visages. J’espère ne pas être hypocrite, à double visage, mais je ne suis pas tout à fait la même personne avec mes frères, avec ma famille, avec différents groupes d’amis. Je n’ai pas tout à fait le même visage en Angleterre et en France, quand je donne une conférence et quand je passe inaperçu, avec un bienfaiteur et avec un mendiant, dans la sobriété d’un après-midi et après quelques verres de vin, quand je suis éveillé et quand je dors. En Inde, on dit que quand nous dormons, notre visage « est l’ami du monde ». Aucun de ces visages, je l’espère, n’est un masque mais aucun d’eux n’est encore mon vrai visage. Le visage que j’espère émergera avec des lignes plus nettes avant que je meure. Souvent, quand les gens meurent, leur visage perd ses raideurs et ses rides et laisse resplendir sa bonté et sa beauté, enfouies auparavant par le combat pour arriver à tenir le coup, pour sauver les apparences, pour montrer au monde un visage résolu, pour cacher la peur et l’incertitude.
Les bonus : Rémi Brague : charia, dhimmitude et islamophobie, les sujets qui fâchent.