Mercredi 11 septembre 2024 Malheureux !
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 6, 20-26) : « En ce temps-là, Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Sur un vieux Calvaire flamand, on peut lire ceci : « Je suis la Lumière, et vous ne me voyez pas. Je suis la Route, et vous ne me suivez pas. Je suis la Vérité, et vous ne me croyez pas Je suis la Vie, et vous ne me cherchez pas. Je suis le Maître et vous ne m’écoutez pas. Je suis votre Grand Ami, et vous ne m’aimez pas. Je suis votre Dieu, et vous ne me priez pas. Si vous êtes malheureux, ne me le reprochez pas ».
L’être humain a une facilité étonnante pour l’art de se rendre malheureux ! On le dit d’ailleurs d’un ton désolé : « Ils ont pourtant tout pour être heureux ! » D’après Jésus, qu’est-ce qui rend malheureux ? le fait d’être riche, repu, et aussi le fait de rire, et quand tout le monde dit du bien de vous. La richesse en soi ne conduit pas forcément au malheur mais l’égoïsme oui, et l’avidité, et l’addiction à l’argent qui fait que vous n’en avez jamais assez, que vous êtes un éternel insatisfait. Etre repu ne conduit pas forcément au malheur, mais ne pas partager, être indifférent à la misère de l’autre oui. Rire ne conduit pas forcément au malheur mais ricaner, se moquer, oui. Que tous les hommes disent du bien de vous ne conduit pas forcément au malheur mais rechercher la vaine gloire, le succès, oui. Tôt ou tard. Pourquoi ?
Un explorateur parcourait les immenses forêts de l’Amazonie à la recherche d’éventuels gisements de pétrole. Il engagea des indigènes comme porteurs. Toujours pressé, il leur imposait une cadence effrénée. Les deux premiers jours les porteurs réussirent à s’adapter, mais, le matin du troisième jour, ils s’arrêtèrent. Silencieux, le regard vide, ils demeuraient immobiles. De toute évidence, ils n’avaient aucune intention de se remettre en marche. Impatient, l’explorateur leur désigna sa montre. Tout en gesticulant, il cherchait à faire comprendre au chef des porteurs qu’il était temps de repartir. ” Impossible, répondit calmement celui-ci. Ces hommes ont marché beaucoup trop vite. Ils attendent maintenant que leur âme vienne les rejoindre. ” Nos contemporains sont de plus en plus pressés. Ils sont inquiets, déconcentrés et malheureux. Leur âme est restée loin derrière eux et n’arrive plus à les rejoindre.
Ecoutons le témoignage des convertis. Par exemple celui de Fabrice Hadjadj, philosophe et écrivain tout jeune puisqu’il est né en 1971 d’une famille juive peu pratiquante. Ses parents étaient des militants d’extrême gauche, si « maoïstes » que, le jour de leur mariage, ils sont sortis de la mairie sous une haie d’honneur de « petits livres rouges » ! Son évangile c’était Nietzsche. Il vivait dans le goût du morbide, dans le pessimisme en prenant plaisir à écrire des choses sombres, genre Céline : « L’amour, c’est l’infini à la portée des caniches. » Et puis, la lumière est venue par la Vierge Marie. Dans l’église Saint-Séverin, il s’était moqué des ex-voto qui entouraient une statue de Notre Dame du Bon Secours : « Succès à l’examen », « Merci pour mon permis de conduire »… Une semaine plus tard, son père avait un malaise, sa famille était bouleversée, ils avaient peur qu’il meure. Il a alors couru vers Saint-Séverin et il a prié la Vierge – dont il s’était moqué – pour son père juif. Une sorte de paix est entrée en lui. Comme jamais il n’en avait éprouvé. Il s’est senti intimement à sa place : un petit enfant qui fait l’aveu de sa faiblesse, et qui prie pour ses parents. C’était sa place, alors qu’il jouait au rebelle et qu’il s’intéressait bien peu à ses vieux. Ensuite, il va aller à la messe à Saint-Séverin tous les jours, et il va découvrir la puissance des textes d’Isaïe, de saint Paul, et de l’évangile. « Elle était là, la vraie révolution ». Il dit aussi : « Seule la foi est vraiment démocratique. Nous sommes tous des petits enfants devant Dieu, et je peux parler du Christ avec un normalien aussi bien qu’avec une femme de ménage, ce qui n’est pas le cas pour Heidegger ou Nietzsche. » Nous devons apprendre à faire battre notre cœur de contemplatifs. La société du spectacle propose, à travers la télévision une parodie de contemplation. Nous sommes faits pour voir le réel. »