Mardi 11 mars 2025 Rabacher

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 7-15) : «En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. »

Est-ce que nous ne tombons pas sous le coup de l’avertissement de Jésus lorsque nous disons le Rosaire. En effet, surtout si nous disons le Rosaire selon saint Jean-Paul avec non seulement les mystères joyeux, les mystères douloureux et les mystères glorieux, mais aussi les mystères lumineux, nous répétons 24 fois le Notre Père et 212 fois le Je vous salue Marie. Est-ce que ce n’est pas rabâcher ?  

En fait, tout dépend de l’intention et de l’esprit dans lequel nous prions. Voici ce qu’écrivait Père Jérôme de l’abbaye cistercienne de Sept-Fons dans le diocèse de Moulins (c’est d’abord une conversation avec la Vierge Marie, il pense à sa propre mort)  « Durant ma vie entière vous m’avez tenu par la main, ô ma mère. Se pourrait-il qu’à cette heure-là, je sente vos doigts se dénouer et votre main me lâcher ? Certes non ! Si votre main souveraine quittait ma main, ce serait certainement pour saisir un pan de votre manteau et m’en couvrir. Mère de mon long cheminement et Mère à mon instant suprême, oui, enveloppez-moi dans la retombée de votre manteau durant ce court moment, après lequel, sûr d’avoir passé la porte je me dégagerai soudain, pour vous faire entendre mon rire, le rire de l’enfant qui rit, qui rit, parce que, par les soins de sa mère, il a tout réussi. » Puis il s’adresse à son lecteur : « Petit frère, les pages que vous venez de lire, peuvent être comme l’annonce, le titre, un invitatoire pour inspirer le désir de réciter la salutation évangélique. Lors donc que vous viendra ce désir – envie savoureuse ou froide résolution – oubliez ce que vous aurez lu dans ces pages et priez simplement. Les mots ont pour eux-mêmes leur effet affectif et leur signification. Donc sans surcharge ni complication, dites avec goût, avec chic avec élégance, ces mots pleins de mystère. Qu’ils aillent droit devant eux et droit devant vous, de vous vers Elle, et d’abord, du moins ordinairement, vers l’une de ses représentations ». Dans un autre écrit, il explique son « truc » pour ne pas rabâcher. Lorsqu’il commence le je vous salue, il imagine l’assemblée de tous les saints au Ciel. Quelque part, parmi eux, la Vierge Marie. Il imagine que dès qu’il dit « je vous salue Marie », la sainte Vierge ayant entendu sa salutation, se tourne aussitôt dans sa direction, et lui-même  se laisse alors toucher par le lumineux regard de la sainte Mère de Jésus. Mais cela n’empêche les distractions. Notre esprit est volatile. Il s’évapore facilement. Il ne faut pas s’en étonner. Le Père Georges Finet disait à ses retrayants : « Si vous n’avez pas de distractions, c’est que vous êtes malade ». Mais il ne faut pas s’y résigner. Si nous répétons  autant de Je vous salue Marie à la fois, c’est pour passer un moment en la compagnie de la Vierge Marie, et auprès d’elle, contempler Jésus dans tous les événements, les Mystères de sa vie.

Ce qui importe dans la prière n’est  pas de dire beaucoup de paroles originales, mais de dire souvent et avec conscience ces quelques mots‑là . Montaigne, considéré parfois comme le prince des sceptiques, donne cet avis édifiant : «Si j’en étais cru : à l’entrée et à l’issue de nos tables, à notre lever et coucher, et à toutes actions particulières auxquelles on a accoutumé de mêler les prières, je voudrais que ce fut le patenôtre que les chrétiens y employassent ; sinon seulement, au moins toujours » “. Est‑ce à dire qu’il faille, comme certains hérétiques du IV siècle, les euchites (ou «diseurs de prières »), murmurer le Pater sans discontinuer jour et nuit? Certes non! Ce n’est pas la bouche qui doit être sans repos, mais plutôt le désir et l’intention. Les saints nous montrent l’exemple d’une prière savourée avec pleine conscience. Saint Nicolas de Flue, selon la légende, mit plusieurs jours à prononcer entièrement le Pater, tant il en ruminait chaque syllabe!

    L’abbé Brémond rapporte l’histoire d’une étonnante vachère mystique perdue dans des montagnes de contemplation. Cette pauvresse était d’un abord si rustre qu’une religieuse, Marie de Valence, prise de pitié, s’avisât de lui faire le catéchisme. Mais alors « cette merveilleuse fille la pria avec abondance de larmes de lui apprendre ce qu’elle devait faire       pour achever son Pater, car, disait­-elle, en son langage des montagnes, je n’en saurais venir à bout. Depuis près de cinq ans, lorsque je prononce ce mot : Père, et que je considère que celui qui est là-haut , disait-elle en levant le doigt, que celui-là même est mon père… je pleure et je demeure tout le jour en cet état en gardant mes vaches »

Les bonus : (2313) Jésus m’a sauvé | Témoignage de Florian Boucansaud ⚽ – YouTube