9 octobre 2024 Père

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 11, 1-4) : « Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : “Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation.” »

Saint Luc donne une version un peu différente de celle de saint Matthieu. Jésus a pu prier plusieurs fois le Notre Père en différentes circonstances. L’intérêt c’est de savoir ce que la version de saint Luc souligne. Dans plusieurs langues actuelles, la prière du Notre Père commence par le mot Père, à l’instar du latin : Pater noster. On le retrouve par exemple en italien : Padre Nostro.  L’adjectif possessif vient après. Que veut-il dire au fait ? Le sens le plus évident c’est qu’il s’agit du Père de tous les chrétiens voire de tous les hommes. Je ne sais pas si c’est le cas encore aujourd’hui mais dans les années 80 lorsque j’allais célébrer la messe dans une paroisse de la banlieue de Rome, la paroisse San Leone, dès que j’invitais à prier le Notre Père, aussitôt les mains des fidèles se tendaient vers celles des voisins sans que j’aie invité à faire ce geste de se donner la main. Dans l’esprit de toute l’assemblée le « notre » désignait le Père de tous, celui qui nous constitue frères et sœurs. Est-ce le premier sens ? Pas sûr.  

En fait ce « notre » désigne d’abord le Père de Jésus et le mien, le Père de Jésus et le tien. Il faut penser à ce qu’écrit saint Paul dans sa Lettre aux Galates et dire ses mots. « Je vis, écrit-il, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. » Le Seigneur ne sait compter que jusqu’à un.  Dans un passage de la Lettre aux Romains, saint Paul explique :  « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » Et pour en revenir à la lettre aux Galates : « Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! »

Il y a quelque chose de très instructif dans l’évangile selon saint Jean. Et l’on sait que saint Luc et saint Jean ont des points communs,   une proximité particulière. Si vous ouvrez le quatrième évangile vous verrez qu’il est sans cesse question du Père et du Fils.  Mais il n’est jamais question de Notre Père. L’expression ne vient qu’après la mort et la résurrection. Comme pour nous dire le prix de ces deux mots. Il a fallu la Passion, le sacrifice de la croix pour que nous soyons autorisés à dire Notre Père au Seigneur de l’univers.

Rappelons-nous : Jésus dit à Marie-Madeleine : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

Vers mon Père et votre Père »…Ne prononçons pas ces deux mots de façon trop machinale, comme si cela allait de soi.

L’abbé Brémond rapporte l’histoire d’une étonnante vachère mystique perdue dans des montagnes de contemplation. Cette pauvresse était d’un abord si rustre qu’une religieuse, Marie de Valence, prise de pitié, décide de lui faire le catéchisme. Mais alors « cette merveilleuse fille la pria avec abondance de larmes de lui apprendre ce qu’elle devait faire pour achever son Pater, car, disait­-elle, en son langage des montagnes, je n’en saurais venir à bout. Depuis près de cinq ans, lorsque je prononce ce mot « Père », et que je considère que celui qui est là-haut, disait-elle en levant le doigt, que celui-là même est mon père… je pleure et je demeure tout le jour en cet état en gardant mes vaches » La religieuse retourna vite en son couvent, ayant compris que la petite vachère en savait bien plus qu’elle.

Cette autre anecdote s’est passée en Algérie. Une fille d’origine musulmane s’était convertie et avait préparé son baptême pendant trois ans. Comme elle avait vingt et un ans, qu’elle était adulte, elle devait être confirmée en même temps que baptisée. La célébration devait donc être présidée par le Père Évêque. Empêché, celui-ci délègue son bras droit, le vicaire général qui a souhaité rencontré Fatima. Sans doute un peu trop intellectuel et administratif, le vicaire général lui demande : « Fatima, peux-tu me parler du mystère de la Sainte Trinité ? »… Fatima reste muette, rougit, et dit qu’elle ne sait pas. Monseigneur dit alors au prêtre :  « Comment voulez-vous que je la baptise si elle ne sait pas le BAba de la foi chrétienne ? » Sans s’émouvoir, le Père qui avait préparé Fatima lui demande : « Est-ce que moi je peux l’interroger, Monseigneur ? »  « Allez-y »… « Dis-moi, Fatima, comment appelles-tu Dieu aujourd’hui ? » « Aujourd’hui, je l’appelle Allah » « Pourquoi ? » « Parce qu’il est le Tout-Puissant, le Créateur. Il n’y a pas d’autre Dieu que Lui »…  « Et demain, quand tu seras baptisée, est-ce que tu l’appelleras Allah ? » « Demain, je l’appellerai : « Abba ». » « Pourquoi ? » Et Fatima a cette belle expression qui ne pouvait venir que d’elle : « Je l’appellerai Abba parce que demain je serai « kif-kif » avec Jésus. Et Jésus l’appelait « Abba ».  Alors est-ce que vous pensez qu’elle connait le Mystère de la sainte Trinité ? …

Kif-kif avec Jésus, nous pouvons prier Le Rois des Rois, le Seigneur de l’univers, en l’appelant Père, Notre Père… !

Les bonus : Dans les yeux d’Olivier – Les mystères de la foi (youtube.com)