Mardi 8 octobre 2024 Marthe et Marie
De l’évangile de Jésus Christ selon saint Luc : « En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
On perçoit bien que Jésus aime la spontanéité de Marthe, il la connait, avec toutes ses qualités d’accueil, ses compétences culinaires et sa générosité. Cependant, elle souffre de perfectionnisme et peut-être un peu de jalousie : regarde, regarde-moi Seigneur, tu ne vois pas tout ce que je fais pour toi, tandis que Marie, que fait-elle ? elle ne voit même pas que je suis débordée ! En croyant servir Jésus, elle se satisfait d’abord.
Jésus n’est pas dupe, il ne rentre pas dans la polémique mais il veut lui faire prendre conscience qu’elle se trompe, non pas en le servant, mais par « son inquiétude et son agitation ». C’est, au-delà de Jésus, son égo qu’elle sert, elle veut montrer qu’elle reçoit à la perfection.
Une seule chose est nécessaire dit Jésus : l’écouter, l’aimer, s’abandonner à sa volonté. C’est en restant centré sur Lui, et non sur notre petite personne que nous pouvons nous donner sans nous épuiser, que nous pouvons servir sans nous laisser décourager par les échecs, ou les déceptions comme les incompréhensions, les critiques et les ingratitudes, inévitables dans le service des frères. Nourris de la Parole de Dieu, des sacrements, il devient alors possible de se décentrer de soi pour se centrer sur Le Seigneur. Le service des autres devient alors un don, un amour « d’agapè ». Seul le Seigneur nous donne la force, jour après jour de recommencer et d’avancer. Il nous enseigne aussi à ne pas nous comparer aux autres qui, en apparence quelquefois, semblent faire et réussir beaucoup mieux.
Sainte Thérèse de Lisieux a eu le génie de vivre ainsi, et de mettre tout l’amour qu’elle pouvait donner dans les choses très simples du quotidien : elle s’émerveillait de pouvoir montrer son amour à son Seigneur en ramassant simplement une épingle. Elle avait fait vœu d’obéissance. Elle s’y exerçait par exemple en s’arrêtant d’écrire au milieu d’une phrase, même d’un mot si la cloche sonnait, annonçant un office ou un autre devoir à accomplir.
C’est cela aussi « la meilleure part » de Marie, car celle-ci ne se sent nullement coupable devant Jésus. Elle ne bronche pas sous les reproches de sa sœur, qui ne semblent pas l’atteindre du tout ! elle est en contemplation, absorbée par les paroles de vie du Seigneur, montrant ainsi une certaine tranquillité ; sûre de son choix, elle ne se compare pas. Elle a mis son égo en Jésus et on imagine que, si celui-ci le lui avait demandé, elle se serait levée tranquillement et serait allée aider sa sœur. C’est certainement ce que sent justement Marthe, d’où cette interpellation adressée à Jésus plutôt qu’à sa sœur. Elle attend de lui qu’il lui rende justice et qu’il lui donne raison. Mais Jésus l’invite à réfléchir sur ses véritables motivations.
Et cela est un bel enseignement pour nous. Nous avons à nous efforcer de maintenir ces deux attitudes : d’une part, notre relation à Jésus, dans la prière, la méditation des écritures, le soutien des sacrements, et, d’autre part la charité dans l’action, les rencontres de la vie quotidienne. La fidélité à notre vocation de chrétien se vit dans la durée, là est la difficulté… Si le désir de vivre selon l’esprit évangélique dans un élan de générosité peut être bien réel, avec le temps l’usure du quotidien, l’action peut prendre de plus en plus de place, nous faisant oublier le sens des choix, pour quoi et pour qui nous agissons.
Vraiment, cette correction fraternelle de Jésus à Marthe nous est précieuse. Méfions-nous de notre désir de faire, faire faire. Ce comportement peut conduire à un épuisement car on ne peut donner que ce que l’on a reçu et justement lorsque l’on se laisse absorber par ce qu’il faut faire on devient très vite incapable de recevoir. C’est là où Marthe se trompe, elle veut « faire pour Jésus » oubliant ainsi d’être avec lui, elle veut le conquérir par son accueil, oubliant ainsi de l’accueillir, elle veut donner au maximum, oubliant ainsi de recevoir. Sans doute a-t-elle appris de Jésus et de sa sœur que d’une part comparaison égale poison, qu’il faut se demander à qui profite l’action : au gonflement de mon ego ou au Seigneur, et que par ailleurs on ne peut vraiment donner que de son trop-plein.
Les bonus : “Aide-toi et le ciel t’aidera” – Témoignage d’Édouard et Marie (youtube.com)