Lundi 25 novembre 2024 Oh ce regard !

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 1-4) : «En ce temps-là, comme Jésus enseignait dans le Temple, levant les yeux, il vit les gens riches qui mettaient leurs offrandes dans le Trésor.  Il vit aussi une veuve misérable y mettre deux petites pièces de monnaie. Alors il déclara : « En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Dans cette scène d’évangile, quel est le plus admirable ? le geste de la pauvre veuve ou le regard de Jésus ?  Le regard ! Chacun de nous voit à sa manière ! Jouhandeau raconte que pendant la dernière guerre, il était mobilisé avec un peintre, et que son service consistait à surveiller une voie de chemin de fer dans une région qui était magnifique ; et il avait comme compagnon un boucher. Et comme souvent le peintre interrompait son inspection pour regarder, le boucher lui demandait :  – «Que fais-tu là ?» – «Je regarde le paysage » – «Et quand tu regardes le paysage, que vois-tu ?» et le peintre répond : «Ce qu’il y a de plus beau après le visage humain». – «C’est drôle, murmure alors le boucher, moi j’ai beau regarder dans les paysages, je n’ai jamais rien vu que des bœufs, des moutons ou des cochons…» Chacun de nous voit à sa manière ! Un peintre, un boucher, un archéologue, un maçon ou un chasseur verront quelque chose de différent. Mon papa était menuisier-charpentier à une époque où dans la construction d’une maison nouvelle, le spécialiste du bois mettait son point d’honneur à réussir la porte d’entrée jusqu’à viser le chef-d’œuvre. Et quand il entrait dans une maison qu’il ne connaissait pas, son regard s’attardait sur la porte d’entrée. Une religieuse infirmière m’avait confié que son regard à elle se portait volontiers sur les avant-bras des personnes parce qu’un de ses principaux soucis était de faire des prises de sang ou des piqures intraveineuses sans faire mal. Notre regard, ce qui nous appartient le plus, ce à quoi nous tenons, notre manière de formuler les choses, de les découper, de les isoler, c’est très personnel.

Dans l’évangile, le fruit de la rencontre du Christ c’est toujours un certain changement de regard. Une des plus célèbres anecdotes de l’histoire de la peinture évoque Léonard de Vinci en train de peindre la grande fresque de l’Eucharistie : la Cène avec Jésus au milieu des apôtres. Arriva le moment de peindre Judas. Il eut du mal à trouver un modèle pour Judas. Il en vint à chercher dans les tavernes et les bouges, un visage qui, par sa laideur lui permettrait de peindre une figure de traître. Après des mois de recherche infructueuse, un jour enfin, Léonard croit avoir trouvé. Là-bas dans un coin, il repère un visage, un visage portant sur sa face les stigmates du vice. Léonard s’approche de l’homme et lui demande s’il accepterait de venir dans son atelier, en lui expliquant -comme    _on peut le faire à un inconnu- ce qu’il attendait de lui. L’homme silencieux regarde fixement Léonard. A la fin, l’homme prend une lanterne et l’approche de son visage et dit : « Léonardo, tu ne me reconnais pas ? C’est moi qui ai posé pour toi quand tu as peint le visage de Jésus ».

On a retrouvé dans les affaires d’une vieille femme, à Dieppe, après sa mort, un poème que cette femme avait écrit et qui illustre bien le désir d’être regardé avec bienveillance.

 « Que vois-tu, toi qui me soignes ? Que vois-tu quand tu me regardes ? A quoi penses-tu quand tu me quittes ? Et que dis-tu lorsque tu parles de moi ? La plupart du temps tu vois une vieille femme acariâtre, un peu folle, le regard hagard, qui n’a plus toutes ses facultés, qui bave quand elle mange et qui ne répond jamais quand elle le devrait. Une vieille dame qui ne cesse d’égarer ses chaussures, de perdre ses bas et qui se laisse baigner et nourrir par toi pour occuper ses longues journées grises.
Voilà ce que tu vois ! Alors, ouvre bien les yeux ! Car ce n’est pas moi ! Je vais te dire qui je suis. Je suis la dernière de dix enfants. J’avais un père et une mère, des frères et des soeurs. On s’aimait bien. A seize ans, j’ai des ailes aux pieds et rêve d’avoir un fiancé. Je me marie a vingt ans.
Mon coeur bondit de joie au souvenir des résolutions prises ce jour-là.
Et me voilà maman d’un petit garçon à vingt-cinq ans. Il a besoin de moi pour pouvoir se construire. Trente ans : mon fils grandit vite. Nous sommes liés l’un à l’autre par des liens éternels. Quarante ans. Mon fils quitte la maison. Mais mon mari veille à mes côtés. Cinquante ans. Mes petits-enfants jouent autour de moi. Mon bien-aimé et moi nous nous réjouissons de leurs cris. Puis arrivent les jours sombres. Mon mari meurt. Je tremble devant l’avenir, consciente que mon fils a fort à faire pour s’occuper des siens. Je repense aux années passées et à l’amour que j’ai connu. A présent, je suis vieille. La nature est cruelle. Elle s’amuse à faire passer la vieillesse pour de la folie. Mon corps me lâche. Le charme et la force m’abandonnent. Et, avec l’âge qui avance, mon coeur s’est endurci.
Mais le coeur de la jeune fille continue de battre dans cette vieille carcasse. Je me souviens des joies, je me souviens des peines. J’écoute toujours la vie et j’ai toujours envie d’aimer. Mais, j’accepte l’implacable réalité que  rien ne peut durer ! 
Alors, ouvre les yeux, toi qui me soignes. Regarde non pas la vieille acariâtre. Observe avec attention, alors tu me découvriras telle que je suis ! »

Seigneur fais que je regarde chaque personne avec bienveillance essayant de l’envisager dans son mystère et son histoire.

Les bonus : TÉMOIGNAGE CHOC – IL VOIT JÉSUS ET ST CHARBEL DE SES YEUX ! 😳