23 juin 2024 12°dim. B C’est qui le Patron
Frères et sœurs, la première lecture est magnifique. Job se retrouve dans le malheur – on dit d’ailleurs » pauvre comme Job » – et passé les premières jérémiades, il en remonter à Dieu. Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Et le Seigneur le prend de haut en commençant par lui dire : « Qui donc a retenu la mer avec des portes, quand elle jaillit du sein primordial ; quand je lui mis pour vêtement la nuée, en guise de langes le nuage sombre ; quand je lui imposai ma limite, et que je disposai verrou et portes ? Et je dis : “Tu viendras jusqu’ici ! tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots !” Au fond le Seigneur commence par dire à Job qu’il ne faudrait pas qu’il oublie que rien n’existerait s’il n’y avait pas un créateur. Il est arrivé à Job ce qui est arrivé à un certain Brice. Fin avril nous avons vu arriver au Puy un frère avec une belle croix pectorale représentant le Christ de Saint Damien, sur une bure franciscaine bleue. Il marche avec une ânesse qui se prénomme Espérance, et un petit chien. Il est venu partager notre repas du lundi soir 29 avril 2024 à la cure des Carmes et nous a raconté son histoire pas banale. Ses parents sont athées et anticléricaux. Aujourd’hui ils ne comprennent absolument pas son choix mais préfèrent qu’il soit sur la route plutôt que dans un monastère, ce qui serait pour eux l’abomination de la désolation. La Moselle, son département d’origine étant concordataire, même à l’école publique, il a eu droit aux cours de religion chrétienne. Et c’est ainsi qu’il a préparé et fait sa première communion. Ne se doutant pas de la tournure qu’allaient prendre les choses, ses parents finissent par le mettre dans un collège privé catholique en raison de difficultés dans l’établissement public. A sa préadolescence, il lit les évangiles mais pour y rechercher des contradictions, des incohérences, des preuves que tout cela est faux dans le but d’embêter les prêtres avec des questions embarrassantes. Un jour il s’apprête à piéger un prêtre. Mais c’est le prêtre qui va le pièger en lui disant : « Maintenant ça suffit ; c’est moi qui vais poser les questions et toi qui vas répondre. Dis-moi si tu connais un Dieu comme celui de la religion catholique, un Dieu qui vient sur terre pour mourir sur une croix ?». C’est cette question qui le fait basculer dans la foi en Jésus. Ce prêtre devient le Père spirituel de Brice qui a du mal à trouver sa vocation : ni chez les Carmes, ni chez les Bénédictins, ni chez les trappistes. Finalement il comprend que le Seigneur l’appelle à une vie d’évangélisation au grand vent comme une espèce de saint Benoît Joseph Labre. Il sillonne à pied les routes de saint Jacques de Compostelle, d’Allemagne, d’Autriche, d’Italie, de Turquie, de Grèce, pour le moment ! Il a le désir de se rendre à Jérusalem mais sa première tentative n‘a pas abouti. Il peut parler pendant des heures du Seigneur et de ses rencontres improbables, de la façon dont cette ânesse l’a choisi chez l’éleveur de Brive La Gaillarde en venant naturellement à lui. Il l’avait découverte sur le Bon Coin, elle a souffert de maltraitance. C’est lui qui lui a donné son nom : Espérance, en pensant à son espoir d’aller avec elle jusqu’à Jérusalem.
Nous avons cela dans les textes de ce dimanche : la première lecture nous rappelle l’immensité, la supériorité, la grandeur infinie de Dieu – on dit sa « Transcendance ». Et l’évangile nous fait comprendre qu’en fait ce Dieu Tout-Puissant est dans la barque, avec nous dans la tempête. Il est avec nous comme un enfant puisqu’il dort sur un coussin. Nous ne le reconnaissons vraiment que lorsque nous-mêmes acceptons de calmer les tempêtes de ce monde, PAR LUI, AVEC LUI, ET EN LUI.
Conclusion : Dieu ne nous reprochera jamais de Lui poser des questions, mais tout dépend du ton de ces questions. Il y a le pourquoi hargneux qui accuse plus qu’il ne questionne, et il y a le pourquoi secrètement humble du “blasphème” de Job. Il y a la question émerveillée de l’enfant qui demande pourquoi le soleil se lève : ce “pourquoi” fait plaisir aux parents, même s’ils ne savent pas répondre. Et c’est au fond le pourquoi des savants, s’ils sont de vrais savants… c’est-à-dire des contemplatifs. Un vrai savant, c’est un enfant qui a de la patience. Il échafaude des hypothèses, mais si ça ne marche pas, il recommence : il ne critique pas la réalité, il critique son hypothèse. Il s’efface et il s’oublie : ses questions à la Nature sont des questions d’amoureux, non de jaloux. Il y a le pourquoi des sceptiques, qui n’attend même pas de réponse, comme Pilate. Il y a des questions qui sont des blasphèmes, et il y a des “blasphèmes” qui sont une adoration. Il y a le pourquoi des enfants en colère. Il y a la question de Marie : “Comment cela se fera-t-il ?” Il y a le pourquoi du Christ en croix : “Mon Dieu pourquoi m’as-Tu abandonné ?”… et la réponse, c’est la Résurrection. Sur quel ton posons-nous des questions à Dieu, à l’Eglise et aux prêtres ? Donc, premier point : attention à la manière dont nous posons des questions. Deuxième point : sommes-nous capables d’écouter la réponse ? De la recevoir, et non pas de la fabriquer ? Seigneur accorde-nous la grâce que tu as octroyée à Job et à frère Brice : poser les vraies questions, celles qui traversent les siècles, et accueillir vraiment tes réponses. Amen !
Les bonus: Charles Trenet – Y’a d’la joie (Paroles) (youtube.com)