Lundi 23 décembre 2024 Ramener le cœur des Pères
Lecture du livre du prophète Malachie (Ml 3, 1-4.23-24) : «Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ; et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Le messager de l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient, – dit le Seigneur de l’univers. Qui pourra soutenir le jour de sa venue ? Qui pourra rester debout lorsqu’il se montrera ? Car il est pareil au feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs. Il s’installera pour fondre et purifier : il purifiera les fils de Lévi, il les affinera comme l’or et l’argent ; ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur, présenter l’offrande en toute justice. Alors, l’offrande de Juda et de Jérusalem sera bien accueillie du Seigneur, comme il en fut aux jours anciens, dans les années d’autrefois.Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils, et le cœur des fils vers leurs pères, pour que je ne vienne pas frapper d’anathème le pays ! »
« Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils, et le cœur des fils vers leurs pères ». Puisque toutes les prophéties ont pour accomplissement Jésus, en entendant cette prophétie, on pense tout de suite à la parabole du Fils Prodigue… Voici un beau texte de Gabriel Ringlet. Il l’a intitulé Et je ferai le reste du chemin ” (le fils prodigue)
« Luc aurait dû faire du théâtre, c’est sûr, ou du cinéma. Ecrire des scénarios, en tout cas. Car il s’y entend, l’évangéliste-médecin, pour soigner les mots. Et quel rythme dans ses paraboles, comme celle avec le père et les deux fils. Vers le milieu de l’histoire surtout, au moment où le plus jeune revient. En quatre versets, les images s’emballent. On se croit dans un film des frères Dardenne, caméra à l’épaule, quand ils suivent Rosette en courant. Dans le film de Luc, il faut surtout suivre les verbes, le père voit son cadet, court, se penche, l’embrasse et, sans attendre la fin de la confession, accélère le mouvement en passant à l’impératif : Apportez la tunique, donnez-lui un anneau, amenez le veau gras, tuez-le, mangeons, festoyons. Musique ! Qui est-il donc ce père aussi égaré que son enfant et qui va le réintégrer dans son autorité de fils à travers la tunique, l’anneau et les sandales ? Dieu ? demandait Diderot au XVIIIe siècle : ” Un père comme celui-là, il vaut mieux ne pas en avoir. ” Et Barjavel, dans La Faim du tigre, durcit le trait quand il se moque du ” Dieu-papa que nous proposent les religions leucémiques. ” ” O Dieu, délivrez-nous “, priait encore, il y a dix ans, une version ” féministe ” du Notre Père, ” délivrez-nous des pères fondateurs, des pères protecteurs, des pères supérieurs, de tous les pères écrasants et moralisateurs ! ” Le père des deux fils n’est pas ” supérieur ” précisément, ni ” écrasant “, ni ” moralisateur “. Il transit. Il brûle. Il est ” pris aux entrailles “. Et surtout, ” il fait le reste du chemin ” comme le raconte une admirable histoire juive qui a dû inspirer Jésus et qu’on pourrait appeler la parabole des cent jours.
Voici donc un fils de roi séparé de son père par une longue distance : cent jours de marche. Autant dire qu’il se trouve à l’autre bout du monde. Et il veut revenir, lui aussi. Ses amis l’encouragent. ” Retourne auprès de ton père ! ” Mais il leur répond : ” Je ne peux pas, je n’en ai pas la force. Le père l’apprend et lui adresse un message : ” Fais comme tu peux. Marche selon ta force, et moi je viendrai et je ferai le reste du chemin pour arriver jusqu’à toi. ” Et le récit de conclure avec le prophète Zacharie : ” Revenez à moi, et moi je reviendrai à vous ” (Za 1,3).
Le père de l’enfant prodigue mesure toute la difficulté de la paternité. Il sait bien que le lien à l’enfant ne va pas de soi, qu’il devra faire ” le reste du chemin ” pour arriver jusqu’à lui. Car être père, comme être Dieu, ce n’est pas naturel. C’est un acte de choix. Même le père selon la chair doit encore adopter son enfant. Et ici, il va devoir adopter une seconde fois, plus douloureusement que la première : adopter son aîné. L’autre ne se trouve pas à cent jours de marche. Même pas à cent heures. A cent mètres, tout au plus. Mais qu’elle est longue, cette petite distance entre Jésus les scribes et les pharisiens.
Je regarde l’actualité, les Eglises, les communautés, la crispation des ” aînés ” – qu’il ne faut pas confondre avec les plus âgés… – , et je me réjouis car la parabole continue, la juive surtout. Le père insiste encore : ” Entre, mon fils, je t’en supplie. Sans toi, la fête ne sera pas la fête. ” L’aîné voudrait bien, mais il n’est pas prêt. Pas encore. Il répond : ” Je ne peux pas, je n’en ai pas la force ! ” Alors le père qui a tant attendu le cadet comprend qu’il devra aussi attendre l’aîné. Il lui dit : ” Fais comme tu peux. Marche selon ta force, et moi je viendrai, et je ferai le reste du chemin pour arriver jusqu’à toi. “
Merci Seigneur de venir à nos devants et de faire le reste du chemin !
Les bonus : Le Seigneur s’est servi de mes petites faiblesses pour me libérer – Témoignage de Violette