8° ord. C 2 mars 2025 Interprétation

            Frères et sœurs, un de nos professeurs voulant citer Jésus  avait mal commencé puisqu’il disait : « Qu’as-tu à regarder la poutre qui est dans l’œil de ton prochain… » mais il s’est bien rattrapé en poursuivant : «  … alors que la charpente qui est dans ton œil à toi tu ne la vois pas ? »… ! 

Nous sommes dans un train qui a quitté une des gares de Paris depuis une bonne demi-heure. Dans ce compartiment de six places, il n’y a que trois personnes : un jeune supporter du Paris Saint Germain avec son écharpe, un jeune supporter de l’OM bien reconnaissable également. On peut dire qu’entre les deux ce n’est pas l’entente cordiale. Mais ils se respectent sans doute parce qu’ils sont intimidés par le troisième voyageur, une jeune fille suédoise très mignonne. Voilà que le train traverse un tunnel. Normalement, dans ce cas-là, un système fait qu’automatiquement, on y voit comme en plein jour… Mais là, cela ne fonctionne pas et les trois voyageurs se trouvent dans l’obscurité totale. A ce moment-là, on entend un bruit de bisou, suivi presque immédiatement par le bruit d’une grande gifle. Quand le train sort du tunnel, le jeune supporter du Paris Saint Germain se frotte la joue. Il a encore très mal, et il se dit : « Le marseillais a dû vouloir embrasser la fille suédoise, ça ne lui a pas plu. Elle a voulu lui coller une gifle et c’est moi qui l’ai reçue. » La fille suédoise se dit : « Le parisien a dû vouloir m’embrasser. Il s’est trompé. Dans le noir, il a embrassé le marseillais, ça ne lui a pas plu… Il a reçu une gifle. » Et le marseillais se dit : « Vivement le prochain tunnel, que je puisse refaire le bruit du bisou et coller une gifle au parisien… » Notre esprit fait très facilement du trapèze, de l’interprétation. C’est un poison.

Tout le monde connaît cette histoire de paille et de poutre. Jésus se montre très fin psychologue. La paille dans l’œil représente une petite faute, qui semble importante quand on la découvre chez le voisin. C’est le principe du doigt pointé. « Nous souffrons tous, comme dit le psaume 19 (verset 3) d’un ‘mal secret’. Pour découvrir ce ‘mal secret’ et pour nous en débarrasser, il y a une manière très simple.  Quand nous disons : « Tu as vu l’autre comment il est ? C’est un égoïste. C’est un coléreux. C’est un menteur. Tu as vu comment il se comporte avec ses parents ? Tu as vu comment il parle à sa femme ?» Observez : quand on montre du doigt quelqu’un, il y a un doigt qui montre la personne et trois qui sont pointés dans notre direction. Quand je vois quelque chose chez un autre qui m’agace, c’est probablement parce que moi-même j’en souffre à la puissance trois.

C’est une bonne façon pour mieux se connaître soi-même : personnellement, je l’avais remarqué au séminaire. Nous étions 85 séminaristes ou jeunes prêtres. J’étais agacé par le comportement de certains et quand j’en faisais part à d’autres, ils me disaient qu’ils ne voyaient pas le problème. Je me suis rendu compte que le problème venait de moi. C’est une bonne manière d’identifier ses propres – disons « marges de progrès »…  

A propos du jugement, il faut savoir aussi que notre esprit est sans cesse en évaluation. Un inconnu enterrait à l’église, j’aurai aussitôt une opinion sur cette personne, et chacun de vous en aurait une autre… « Il est né un quatre d’heure en retard, et il ne rattrape pas ce quart d’heure de retard ». « Formidable : un pratiquant de plus ! » « Il est venu alors qu’il aurait pu dire que ça ne valait plus le coup, vu le retard. Merveilleux ! » C’est Jésus avec son Père et le Seigneur Esprit-Saint qui a conçu notre esprit et cette capacité d’évaluation. Attention, dit Jésus de ne pas nous arrêter à cette première idée. Attention à ne pas mépriser la personne, à la regarder de haut, comme on dit.   N’avons-nous pas « deux poids deux mesures » ?

. Quand lui n’achève pas son travail, je me dis, il est paresseux. Quand moi, je n’achève pas mon travail, c’est que je suis trop occupé, trop surchargé.

. Quand lui parle de quelqu’un, c’est de la médisance. Quand je le fais, c’est de la critique constructive.

. Quand lui tient à son point de vue, c’est un entêté. Quand moi, je tiens à mon point de vue, c’est de la fermeté.

. Quand lui prend beaucoup de temps à faire quelque chose, il est lent. Quand moi je prends beaucoup de temps à faire quelque chose, je suis soigneux.

. Quand lui est aimable, il doit avoir une idée derrière la tête. Quand moi je suis aimable, je suis vertueux.

. Quand lui est rapide pour faire quelque chose, il « bâcle » Quand moi je suis rapide pour faire quelque chose, je suis habile.

. Quand lui fait quelque chose sans qu’on le lui dise, il s’occupe de ce qui ne le regarde pas. Quand moi je fais quelque chose sans qu’on me le dise, j’ai de l’initiative. . Quand lui défend ses droits, c’est un mauvais esprit.

Quand moi je défends mes droits, je montre du caractère.

J’avais tenté de faire découvrir cela à des enfants et quand je leur ai demandé de me trouver un exemple dans leur vie, l’un d’eux m’a donné celui-ci : « au football, quand mon copain ne me fait pas la passe que j’attendais, je me dis qu’il joue perso. Quand c’est moi qui ne fais pas la passe, c’est que j’avais une bonne occasion ».

Notre cerveau est sans cesse en train d’évaluer, d’estimer, d’apprécier, de jauger, d’expertiser. Et si on se servait de lui pour changer notre geste du doigt pointé en dépliant aussitôt les quatre autres doigts pour tendre la main. “Y a plein de mauvaises herbes dans sa parcelle de jardin! Il pense aux insectes pour qu’ils viennent butiner” “C’est le grand  bazar dans sa chambre! C’est super il est détaché des biens de ce monde!””-Il porte  toujours la même chemise! Il la lave tous les soirs.” “-Elle arrive toujours en retard à la messe ! Elle va  apporter le pain à son voisin! ” -“Il est cachottier ! C’est pour protéger le cœur des personnes.””Celui qui regarde avec douceur, obtiendra miséricorde “. Amen !

les bonus : Témoignage de Florian Boucansaud : https://youtu.be/MtHJWRg79dU?si=2nnucjwco4nueRYw