Mardi 1er octobre 2024 le feu du Ciel

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 9, 51-56) : « Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village. »

Jésus réprimande ses apôtres qui veulent que le Ciel punisse ce village qui n’a pas voulu le recevoir. Autrement dit il leur remonte les bretelles. Et pourtant, et pourtant dans les psaumes il y a beaucoup de passages où l’on demande la vengeance. On appelle ces psaumes ou ces passages de psaumes des imprécations. On trouve des imprécations dans près d’un tiers du psautier. Par exemple, le psaume 137 (8-9): Comment chanterions-nous les chants de l’Éternel sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! Que ma langue reste collée à mon palais, si je ne me souviens plus de toi, si je ne place pas Jérusalem au-dessus de toutes mes joies ! Éternel, souviens-toi des Édomites ! Le jour de la prise de Jérusalem, ils disaient : « Rasez-la, rasez-la jusqu’aux fondations ! ». Toi, ville de Babylone, tu seras dévastée. Heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait ! Heureux celui qui prendra tes enfants pour les écraser contre un rocher.

Ou encore le psaume 139 (19-22) O Dieu, si seulement tu faisais mourir le méchant ! Hommes sanguinaires, éloignez-vous de moi ! Ils parlent de toi pour appuyer leurs projets criminels, ils utilisent ton nom pour mentir, eux, tes ennemis ! Éternel, comment pourrais-je ne pas détester ceux qui te détestent, ne pas éprouver du dégoût pour ceux qui te combattent ? Je les déteste de façon absolue, ils sont pour moi des ennemis. Il s’agit des deux exemples les plus connus.

Les psaumes d’imprécation ont une signification spirituelle profonde dans la tradition biblique. Voici quelques points clés :

  1. Expression de la souffrance et de l’injustice : Les psaumes d’imprécation sont des prières passionnées qui expriment la douleur, la colère et l’injustice ressenties par l’orant. Ils offrent un espace pour que les croyants partagent leurs émotions les plus profondes avec Dieu.
  2. Appel à la justice divine : Ces psaumes demandent à Dieu d’intervenir et de rendre justice. Ils expriment la confiance que Dieu est attentif aux souffrances de ses fidèles et qu’il agira en leur faveur.
  3. Lutte contre l’oppression : Les psaumes d’imprécation sont souvent associés à des moments de persécution, d’oppression ou de trahison. Ils sont un cri de détresse face à des ennemis puissants et malveillants.
  4. Reconnaissance de la souveraineté de Dieu : Même dans leur colère, les auteurs de ces psaumes reconnaissent la souveraineté de Dieu. Ils s’en remettent à lui pour la justice et la vengeance, plutôt que de chercher à se venger eux-mêmes.

En somme, les psaumes d’imprécation sont un moyen pour les croyants de communiquer leurs émotions brutes à Dieu, de chercher sa protection et de trouver du réconfort dans leur lutte contre l’injustice.

On ne trouve pas de textes d’imprécation dans le Nouveau Testament. Si ce n’est dans la première lettre de Paul aux Thessaloniciens (1Th 2,16). Ce dernier passage connaitra d’ailleurs une sinistre fortune dans certains discours chrétiens à propos des juifs. Il constitue un des passages clefs dans le dossier à charge de l’antisémitisme chrétien.

Au contraire, certaines paroles de Jésus prennent carrément le contrepied de la logique d’imprécation. Dans le sermon sur la montagne, Jésus dit: « Et moi je vous dis: aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,44). La logique de Jésus est aux antipodes de celles des textes d’imprécation.

On retrouve cette logique sur la croix où Jésus demande à Dieu de pardonner à ses persécuteurs (Lc 23,34).

Comment les interpréter aujourd’hui ?

La question de l’interprétation actuelle de ces psaumes d’imprécation se pose dans les termes suivants. Puisque ces textes font partie du canon des Écritures et qu’ils entrent manifestement en contradiction avec les enseignements de Jésus, comment les chrétiens et chrétiennes d’aujourd’hui doivent-ils les comprendre ? Quelle pratique est-il possible d’en tirer ?

Une réponse habituelle consiste à les considérer comme dépassés par l’enseignement de Jésus. Ils n’ont plus aucune valeur éthique normative. Ils figurent dans la Bible comme de simples témoins de l’ancienne alliance afin de faire comprendre toute la valeur de la nouvelle.

Une autre réponse s’appuie sur des constats psychologies et textuels. Elle fait tout d’abord remarquer que la violence souhaitée est remise entre les mains de Dieu qui peut souverainement décider d’en faire usage ou pas. L’orant ne demande pas le soutien divin dans un acte de violence dont il serait lui-même l’auteur. Cette prière permet donc de « vider » le désir de violence vers Dieu au lieu qu’elle pollue les relations humaines. Elle aurait donc un rôle psycho-spirituel bénéfique.

Dans le bréviaire, ces passages ont été supprimés ou bien mis entre parenthèse. On peut les dire ou pas. Quand nous les disons nous pensons aux personnes qui sont torturées en ce moment précis en raison de leur foi ou aux personnes qui subissent les conséquences d’un acte insensé ou méchant de la part de quelqu’un. Ces personnes n’ont pas envie de faire des mamours à ceux qui se sont comportés de façon indignes et qui ont causé tant de souffrances ; Il y a des colères, des douleurs qu’il faut exprimer avant de pouvoir passer par la grâce de Dieu au pardon et à l’acceptation…

En Eglise, ces imprécations deviennent donc des intercessions.

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