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Frères et sœurs, Jésus nous allèche avec cette affaire de l’arbre qui va se planter dans la mer ; ce serait en effet formidable. Mais cela nous semble curieux quand on sait combien Jésus se méfie du merveilleux. Comment bien comprendre ?
Tout d’abord, dans cette image il est question d’un arbre déraciné et planté en mer. L’image évoque un arrachement. Ce serait donc quelque chose comme cela que provoquerait la foi, si petite soit-elle ? Un fait : un groupe de jeunes, joyeux et bruyants, anime l’autobus. Un voyageur prend place près d’eux, sa Bible à la main. Pour faire rire les autres, un plaisantin lui demande d’un air grave : « Pardon monsieur, vous pouvez me renseigner ? Est-ce que c’est loin d’ici, le Paradis? » Le monsieur à la Bible regarde le garçon dans les yeux et répond d’un ton à la fois amical et sérieux : « Le Paradis, tu sais, il n’est qu’à un pas de toi. Ce pas il n’y a que toi qui puisses le faire. Tu peux le faire maintenant, de suite, ou plus tard. » Pensons aux « miracles » réalisés par la foi au cours de l’histoire. Les cathédrales : souvent on ne connaît pas les architectes. Ceux qui commençaient, savaient qu’ils ne la verraient pas terminée. Or, pour bâtir une cathédrale comme celle de Chartres, pour pouvoir harmoniser le travail de tous les corps de métier, il fallait un programme aussi compliqué et aussi ambitieux que celui pour la navette Discovery. C’est l’intelligence et l’art mis au service de la Beauté et de la Vérité, dans l’humilité et le désintéressement. En Occident ce sont les congrégations religieuses qui ont inventé les hôpitaux ; saint Marcellin Champagnat, saint Jean Baptiste de la Sales, les écoles pour les plus pauvres ; saint Vincent de Paul, la défense des galériens et l’accueil des orphelins. C’est la religion qui a donné les prix Nobels de l’Amour que l’on appelle les Saints. C’est le Père Damien qui a secoué la conscience mondiale contre le rejet des lépreux en allant prendre la lèpre sur l’île Molokaï où on parquait tous les lépreux de la région. Chacun peut aussi, en relisant sa vie, regarder les bouleversements que la foi lui aura donné de vivre : quitter un métier, quitter une orientation de vie, quitter une mauvaise habitude… Cela peut paraître anodin mais représenter beaucoup pour celui qui le vit. Un arrachement c’est éprouvant. Un arrachement pour se planter ailleurs. Il faut « faire le pas »…
Deuxièmement, il ne faut jamais isoler une parole de Jésus du reste de l’évangile. Jésus nous rappelle surtout que la foi est un long cheminement de toute notre vie. Il ne faut donc pas y rêver de claquements de doigts qui nous obtiendraient tout de suite tout. Et il indique la première étape de ce cheminement de foi: nous ne commençons pas par nos mérites, mais par être débiteurs de bien des personnes qui nous ont tellement servi avant même que nous ayons levé le petit doigt. Et derrière eux nous sommes infiniment débiteurs envers le Seigneur qui nous a tant donné avant même que nous existions et pour que nous entrions dans l’existence. La première étape de la foi et le socle sur lequel elle s’édifie toujours, c’est ce devoir de servir à notre tour ne serait-ce que par simple dignité. Après avoir tant reçu, nous efforcer de donner quelque chose de nous-mêmes, et en action de grâces, rendre de notre mieux. D’où la parole: ce n’est pas nous qui nous mettons à table, mais Dieu que nous servons. Alors que souvent, nous sommes un peu comme ce petit garçon qui avait fait sa facture à sa maman : « Pour être allé acheter le pain six fois : 3 euros. Pour avoir descendu la poubelle 12 fois : 6 euros. Pour avoir surveillé sa petite sœur : 5 euros.. » Quand sa maman lui a dit « Je vais te faire la mienne, il lui a dit : « Mais je te dois quelque chose, maman ? » Pour 7 ans de lessive, repassage et repas. Pour 7 ans d’achat de vêtements. Pour transport en voiture. Pour 200 nuits sans sommeil pour raison de santé. Etc… 0 euro »….
Mais le Seigneur donne aussi la suite du cheminement, dans un autre passage: cette fois il dit « heureux ces serviteurs que le Maître à son arrivée trouvera en train de veiller; vraiment je vous le dis, il les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira. » Ce deuxième temps de la foi, c’est accepter d’être nourri de toute la révélation surnaturelle, du don des mystères de Jésus et de l’espérance des biens à venir. Il consiste à lire l’évangile et à trouver notre vie dans les sacrements de l’Eglise. Dire « je suis croyant mais pas pratiquant », c’est la meilleure façon de se fabriquer un Jésus à son goût. Au contraire, c’est à force de fréquenter Jésus à la messe, de le laisser nous parler, que nous le connaissons tel qu’il est et pas tel que nous le rêvons.
La troisième étape de la foi n’est précisément plus la foi mais la vision bienheureuse lorsqu’à notre mort, avec la grâce de Dieu, nous pourrons voir Dieu: A chaque messe nous le disons : « Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau »; ici-bas ce sont comme des sortes de fiançailles; là-bas ce sera les noces, la totale possession mutuelle et éternelle. On comprend alors pourquoi Habaquc dès la première lecture, après avoir rouspété « Seigneur jusques à quand crier sans qu’il ne se passe rien ? » en vient à proclamer la vérité: « Le juste vivra par sa persévérance ».
En résumé et en conclusion, on comprend que notre époque qui est celle de l’instantané et de nos « droits » ne nous aide pas du tout à garder la foi. Il faut le savoir et ne pas nous étonner d’avoir à tenir, donc, des comportements différents des autres, mais que nous devons mener dans la bienheureuse espérance: c’est la joie d’être déjà avec notre Dieu – même si nous ne le voyons pas. C’est la force des petits pas qui nous font parfois marcher avec des « bottes de sept lieues » si Dieu le veut. Amen !
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6 octobre 2025 Verso l’alto
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc : « En ce temps-là, voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence,et ton prochain comme toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.” Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »
Jésus est un pédagogue absolument génial. Le docteur de la Loi le questionne sur ce qu’il doit faire pour aller au Ciel. Le docteur de la Loi est spécialiste des droits et des devoirs d’un juif religieux. Il est probable qu’il sait par cœur les 613 commandements que lui et ses pairs ont dénombré dans la Torah, la Bible, c’est-à-dire notre Ancien Testament. Pourquoi le prêtre et le lévite ne s’arrêtent pas pour secourir le blessé ? Parce qu’il ne faut pas qu’en s’approchant de lui ils contractent une impureté légale. Il y a du sang. Il ne faut pas toucher au sang. Il ne faut pas. Tous les deux risqueraient de ne pas pouvoir accomplir leur service au temple de Jérusalem. Il ne faut pas. Jésus dit qu’au contraire il faut être ingénieux dans la charité avant tout. Il faut laisser parler son cœur. Avec discernement et prudence, certes mais avec inventivité aussi. Et persévérance, détermination. Le Bon samaritain ne se contente pas de soigner les plaies et les bleus de l’homme blessé. Il va s’occuper de trouver un lieu où il puisse se remettre complétement quitte à payer la pension.
Le 7 septembre, le pape Léon XIV reconnaissait la sainteté de Pier Giorgio Frassati (1901-1925) et de Carlo Acutis (1991-2006), deux jeunes Italiens morts à 24 et 15 ans. Leur condition bourgeoise ne les empêcha pas d’aider les pauvres de Turin et de Milan. Leur action exemplaire et discrète invite à repenser la question sociale. Sportif, farceur et bruyant, Pier Giorgio Frassati grimpe haut et descend bas, des montagnes piémontaises aux taudis de Turin. Un cœur de feu, une joie communicative, même s’il chante si faux qu’on l’appelle « Fracassati ». Tout doit rouler pour lui, selon la théorie de la reproduction sociale. Maman peintre, papa sénateur, diplomate, un temps ambassadeur à Berlin, et fondateur de La Stampa, journal à la reprise duquel il destine son fils, même s’il ne lui en parlera jamais en face. Frassati junior déçoit les attentes de ses parents, fait des fautes d’orthographe, peine à l’école. La pression de son milieu l’oblige à réussir, lui interdit aussi d’épouser la fille dont il est amoureux. Il y renonce pour sauver le mariage de ses parents qui ne s’entendent pas. La mondanité aurait dû emporter cette âme pour la noyer dans la vanité et les honneurs. Mais c’est plus fort que lui : « Aller vers les pauvres, c’est aller vers Jésus », écrit-il . Ses études d’ingénieur ne le subliment pas ; il se rêve missionnaire. Dès l’âge de 17 ans, il rejoint les Conférences de saint Vincent de Paul. Sa compassion naturelle devient surnaturelle. Car très jeune, il se montre plein d’attention pour les autres. Un jour, il croise un enfant sans chaussures. Pier Giorgio lui donne les siennes et rentre chez lui pieds nus, disant à sa mère qu’il a rencontré un enfant qui en avait plus besoin que lui… Souvent, cet alpiniste reviendra à la maison à pied après avoir donné son ticket de tram, ou avec un manteau râpé après s’être délesté du sien, comme saint Martin. Si ses parents sont riches, il n’a que de l’argent de poche. Il garde des enfants, vend timbres et billets de tramway, fait la quête de porte en porte. Il offre une machine à coudre à une couturière, veuve avec enfants, qui n’en avait plus. Pier Giorgio passe plusieurs soirées par semaine auprès des pauvres, parfois jusque tard dans la nuit, y compris dans les logis où on le dissuade d’aller. Selon Luciana Frassati, sa sœur et son biographe (morte à 105 ans en 2007 !), il suit une quinzaine de familles pauvres de Turin, leur apporte de la nourriture, des vêtements et des médicaments. Si discrètement qu’à sa mort, la surprise est totale : mais qui sont ces indigents affluant autour de son cercueil, se dit la haute société piémontaise ? On retrouvera dans ses papiers des listes de pauvres et des annotations sur ce qu’il leur devait ou leur avait promis.
Comme Frassati, Carlo Acutis fait le bien en cachette. Comme lui, le « geek de Dieu » ne dévoilera l’étendue de sa compassion qu’après sa mort. Acutis utilise son argent de poche pour acheter des sacs de couchage, des couvertures, des repas qu’il distribue aux sans-abri de Milan. Il s’arrête pour discuter avec les personnes de la rue, qu’il connaît par leur prénom. Il ne donne pas seulement ; il se donne. Son bénévolat va des paroisses aux soupes populaires. Comme Frassati, il offre de petits sacrifices quotidiens pour que les pauvres profitent de ce dont il se prive.
Ces deux vies postulent qu’aider les pauvres n’est pas une option morale ou un geste superficiel, mais la mise en œuvre d’un commandement. C’est bien parce que Frassati et Acutis l’avaient intériorisé au plus haut point que leur rayonnement fut énorme. Rien n’est plus puissant qu’une injonction à la fois intérieure et supérieure ; rien n’est plus efficace que de se savoir responsable des autres et comptable de ses actes devant une autorité ultime, Dieu.
Verso l’alto ! Toujours plus haut !
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